• LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     « … Plusieurs petites forteresses contribuèrent à la formation du royaume de Philippe Auguste au 13e siècle.

         Il reste encore quelques vestiges de ces châteaux forts, et celles-ci sont incontestables. Plusieurs sont visibles situées sur les îles de la Seine entre Les Andelys et Vernon. Elles sont au nombre de trois :

    le château du Goulet, la forteresse de Boutavant à Tosny et le donjon de Château-Neuf à Port Mort. » [1]

     

         Ces trois lieux vont nous permettre d'évoquer également le mariage en 1200 du roi de France Louis VIII et de Blanche de Castille, futurs parents du roi Saint-Louis.

     

         « Le fief de Châteauneuf comprenait le hameau et l'église de Saint-Martin-de-Châteauneuf. Celle-ci datait du 12ème siècle, construite vers 1100. Lorsque Richard Cœur de Lion fit construire le château de Boutavant sur une île de la Seine, dite île de la Tour, entre Bouafles et Tosny, fort de protection avancée du Château Gaillard, Philippe Auguste construisit, à Port-Mort territoire anglais dont il avait pris possession, un petit fort élevé et nommé Châteauneuf. Il avait fait aussi construire dans l'île aux bœufs, côté français, un fort dont on peut encore voir des traces de soubassement. » [2]

     

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    Quelques dates pour pouvoir se repérer :

     

         « 1195 : Philippe Auguste, fils de Louis VII, conquiert Vernon et Longueville jusqu’au Goulet qui se situe à la frontière franco – anglo-normande, position très stratégique entre le royaume de France et le duché de Normandie.

         1198 : Richard Cœur de Lion, Fils d'Henri II, fait édifier dans l’île aux bœufs, face au Goulet, le fort de « Boute Avant ». Philippe Auguste, de son côté, construit au Goulet le fort de « Boute Arrière ».
         1199 : Le 6 avril, Richard Cœur de Lion meurt au siège de Chalus (Limousin)

         22 mai 1200 : Traité de Paix du Goulet entre Philippe Auguste et Jean sans Terre, frère de Richard Cœur de Lion lui succédant au trône d'Angleterre. Cette succession n'avait pas été simple, étant donné qu'Arthur de Bretagne, neveu de Jean sans terre, pouvait aussi prétendre au trône. Philippe Auguste, roi de France, voyant qu'Arthur avait été évincé, s'était engagé à le protéger. Cependant, lors de ce traité le roi de France doit abandonner la Bretagne et acquiert Évreux, le Vexin et le Berry. » [3]

     

    « Les tractations permirent un échange d’otages, parmi lesquels se trouvait Robert II d’Harcourt prisonnier du roi d’Angleterre. On pense généralement que c’est au château du Goulet qu’eut lieu la transaction bien que d’autres aient prétendu que ce fut à Gaillon. » [1]

     

         « 23 mai 1200 : Louis VIII, fils de Philippe Auguste, épouse Blanche de Castille, petite fille d’Aliénor d’Aquitaine et nièce de Richard Cœur de Lion et de Jean sans Terre. Mais le mariage ne peut se faire en terre de France qui est encore sous le coup de l’interdit pontifical (interdiction de célébrer les sacrements) du fait de la répudiation de Philippe Auguste. C'est donc en terre anglo-normande, à Port Mort, que se réalise le mariage : par sécurité, les deux rois se font mutuellement otages de chaque coté de la Seine : Philippe Auguste à Port Mort anglo-normand et Jean sans Terre au Goulet français, avant de rejoindre chacun son territoire par barque, en traversant la Seine, après le mariage. (…) » [3]

     

         « En l’an 1202, le traité fut rompu une nouvelle fois et la forteresse de Boutavant passa dans l’escarcelle du roi de France. » [1]

     

         « 1422 : Henri V d’Angleterre fait détruire le fort (…) dans l’île aux bœufs, face au Goulet. (...)

         1571 : Monseigneur de Bourbon avait fondé en 1563 la chartreuse dans la plaine d’Aubevoye, en complément logique de son palais. Détruite par un violent incendie en 1764, elle fut reconstruite. En 1571, le fort de « Boute Arrière » du Goulet est détruit sur ordre de Charles IX, fils de Catherine de Médicis : il sert de carrière pour la reconstruction de la Chartreuse de Gaillon. Ce monastère de l’ordre des Chartreux vécut jusqu’en 1790. Il sera démoli à l’occasion de sa vente à un fermier, en 1834. » [3]

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    1. La forteresse de Boutavant sur l'île de la Tour à Tosny

     

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         « En 1196, le roi d’Angleterre, Richard Ier dit Richard Cœur-de-Lion, fait construire une forteresse,  sur un éperon rocheux dominant la Seine d'environ 90 m, pour barrer la route de la Seine à la prochaine offensive des Français. Au pied du château, le bourg fortifié de la Couture est créé. De là, un pont enjambe la Seine et prend appui sur une île fluviale qui accueille un petit château polygonal, le château de l'île. Quelques centaines de mètres en amont du fleuve, une triple rangée de pieux empêche la descente des navires. Deux mottes castrales servent d'avant-postes : la tour de Cléry sur le plateau et celle de Boutavant dans la vallée. La boucle de la Seine, en amont de Rouen, est verrouillée en cas de danger. La construction du château prend moins de 2 ans et en 1198, les travaux sont achevés. » [4]

     

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    Plan hypothétique de l'emplacement du fort de Boutavant à Tosny ; blason de la famille Tosny par Lobsterthermidor (talk) 21:10, 16 July 2015 (UTC)) - Amended from commons File:Hastings.svg by User:Jaspe, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41632399 

     

    « Les fortifications périphériques :

     

         C'est donc un site éminemment stratégique, que Richard décida d'occuper en juillet 1196. A sa hauteur, la Seine décrit un large méandre formant une presqu'île au goulot relativement resserré. On commença par fermer ce caprice de la nature au moyen d'un grand rempart lancé entre Bernières et Tosny. Les deux extrémités furent dotées de fortins puissamment défendus. Aucune armée ne pouvait donc en théorie s'installer ici et y établir ses machines de guerre. La petite île d'Andeli reçut un gros fort octogonal muni de tourelles, cerné de fossés et de palissades. Un pont de bois mobile bipartite le reliait aux deux berges. Il était protégé en amont par trois rangées de pieux enfoncés dans le lit du fleuve. Sur la rive gauche se dressait la large et toute nouvelle enceinte du Petit-Andeli, flanquée de plusieurs tours. Elle était séparée du Grand-Andeli par un vaste étang artificiel. Les fortifications de l'ancien oppidum avaient été entièrement rénovées. Pour parachever l'ensemble, un bastion avancé fut également dressé sur la rive droite, à Boutavant. » [5]

     

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    A gauche plan du site "retranché" des Andelys, plan de Viollet-le-Duc montrant l'ensemble du système défensif. extrait de http://www.richesheures.net/epoque-6-15/chateau/27gaillard-description.htm ; à droite, plan extrait de l'article « Château-Gaillard dans la défense de la Normandie orientale 1196-1204» par Dominique Pitte, in Anglo-Norman Studies XXIV : Proceedings of the Battle Conference 2001 publié par John Gillingham https://books.google.fr/books?id=7uDnLRJ4bHwC&pg=PA168&lpg=PA168&dq=la+forteresse+de+Boutavant+%C3%A0+Tosny&source=bl&ots=LuKWTSht_m&sig=GYxqkLLaYNbuNIbHCbdbvm-gcE0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjDzv_VtMfUAhWiLMAKHfszApoQ6AEIWTAH#v=onepage&q=la%20forteresse%20de%20Boutavant%20%C3%A0%20Tosny&f=false

     

         « On a peut-être un peu de mal à se faire une idée de ces châteaux sur l’île aux Bœufs ou celle de Tosny. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque les eaux de la Seine étaient beaucoup moins hautes et ces îles n’étaient pas aussi isolées. Les cours d’eau étaient enjambés par de robustes ponts ou ponts-levis. Boutavant était entouré d'un haut talus. » [1]  

     

         « Tosny (canton des Andelys, Eure)

    « Édifice fortifié de l'Ile de la Tour La presqu'île de Bernières est la première grande boucle de la Seine en Normandie. C'est au fond de celle-ci, au-dessus de la ville des Andelys, que se dresse Château-Gaillard.
         La forteresse était au centre d'un vaste dispositif barrant le fleuve et contrôlant les plateaux du Vexin : sur la Seine, une estacade de trois rangées de pieux pour briser toute attaque navale, un pont de bois et le manoir de l'Ile ; au débouché du Gambon, les fortifications du bourg de la Couture (le Petit Andely) et du Vieil Andely, séparées par un étang ; enfin deux petits forts détachés en avant du château, le Muret et Boutavant (l'édifice fortifié de l'Ile de la Tour).
         Le Muret était situé sur le plateau du Vexin, deux kilomètres au sud-est, sur la paroisse de Cléry. C'était une simple tour ronde, dressée sur une motte et entourée d'un fossé circulaire. Motte et fossé sont encore visibles aujourd'hui. » [6]

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     « Cléry, au nom si classiquement français, apparaît, semble-t-il en même temps que Château-Gaillard. Il y eut peut-être une petite agglomération avant l'érection de la motte féodale, mais on n'en connait rien. Mais on sait que sous Jean sans Terre, le seigneur était un certain Richard de Cléri. Il devait entretenir la motte, ouvrage avancé de la forteresse. Elle faisait partie du système défensif de Château-Gaillard. Cette motte : butte artificielle entourée d'eau, était surmontée d'un donjon ; elle permettait d'arrêter les assaillants venant : de Vernon par la forêt (troupes françaises) ; également d'organiser des raids d'intendance sur le plateau du Vexin. Cette motte existe toujours ; on la nomme Le Muret. » [9]

     

          Pour la motte de Cléry, se rendre également à http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-clery-eure-a147885618


         « Boutavant, à cinq kilomètres en amont, était construit sur une île de la Seine dans le territoire de Tosny. Ce petit fort était un quadrilatère de huit mètres de côté, dont on peut voir encore de la rive quelques pans de murs. Une ligne de défenses légères prenait appui sur lui et barrait la presqu'île de la Seine entre Tosny et Bernières. 
         Pour assurer l'efficacité de ces défenses il eut fallu des troupes que Jean Sans Terre négligea d'envoyer.
         Dès l'été 1203 le roi Philippe-Auguste s'empara sans difficulté de ces éléments avancés, privant ainsi les défenseurs de Château-Gaillard de toute possibilité de manœuvre. » Bernard Beck [6]

     

         « L’île située au niveau de Tosny porte encore la base d’une tour carrée qui correspond peut-être au fort de Boutavant. Guillaume le Breton explique que ce nom se référait à la volonté du souverain anglais de repousser (« bouter en avant ») les Français afin de récupérer les territoires qu’il avait perdus. Sur la rive gauche du fleuve, la résidence de Roger de Tosny est fortifiée : cent livres prêtées par Richard sont consacrés à ces travaux. D’autres ouvrages, bretèches, hérissons, viennent compléter la défense de ce secteur, qui constitue l’un des points forts du complexe mis en place.

         La militarisation du site d’Andeli se fait sous la surveillance des français qui occupent des positions proches. En réponse à ces travaux, Philippe Auguste édifie à quelque distance en amont un bastion sur le fleuve, qu’il nomme, nous apprend Roger de Howden, le « Goulet ». [10]

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    2. Le château de Chateauneuf à Port-Mort

     

         « Le fort de Châteauneuf reposait sur la pointe de la Roque et nous pouvons encore deviner des parties des murs. » [2]

     

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         Port-Mort : « Le nom de la localité est attesté sous les formes anciennes Portmauro, Portus Maurus 690 ; Port mort vers 1060 ; Portus Mortuus 1075. » (...)

          « La butte de Château-Neuf. Elle domine par un abrupt de 40 mètres la Seine, dont un des bras, jusqu'à une époque récente, en bordait quasiment le pied. L'ouvrage fortifié, dont il reste les soubassements du donjon, est construit en 1198. » [7]

     

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    Plan hypothétique du site du château de Châteauneuf à Port-Mort ; Blason de Port-Mort par Chatsam — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=12045093 

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)« La butte de Château-Neuf, une admirable position naturelle

         Elle domine par un abrupt de 40 mètres le fleuve dont un des bras, jusqu'à une époque récente bordait quasiment le pied. (…) Du côté est comme du côté ouest un versant incline rapidement vers deux vallons. Au nord une pente douce. Butte si régulière que, vue de la route des Andelys, on se demande si l'homme n'a pas prêté la main. Certainement lors de la construction du château fort. Plus tôt, fut-ce un oppidum des Véliocasses ? Rien ne permet de l'assurer. (…)

         Un des épisodes historiques les plus marquants du conflit entre les Plantagenets, ducs de Normandie et rois d'Angleterre, avec les Capétiens à la fin du 13e siècle eut lieu au château et à l'église Saint-Martin du quartier du Château-Neuf à Port-Mort. » [2] (…)

         Dans cette église se déroula le mariage du futur roi de France Louis VIII et de Blanche de Castille, le 23 mai 1200.

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     « Au cours de l'année précédant le mariage, Philippe Auguste avait fait construire sur le piton rocheux, surplombant l'église, un château fort appelé Châteauneuf, en réplique au Château Gaillard, que Richard Cœur de Lion venait de construire.
         On peut se demander comment Philippe-Auguste avait pu construire Châteauneuf en territoire anglais, et après avoir pris possession du terrain, pourquoi l'interdit du pape n'y était point appliqué. Les châteaux forts étaient assez rapidement édifiés à l'époque. En apprenant l'existence de cette construction, Richard qui résidait en Aquitaine, comme il le faisait souvent, fut de fort méchante humeur et remontait en Normandie pour tirer l'épée, lorsqu'il fut tué en Limousin, ce qui mettait un terme à tout combat sur ce sujet. (…)

     

    Photo ci-dessus extraite d'un site néerlandais très complet et fort bien documenté sur les mottes en Europe dont celles de Normandie : http://www.basaarts.nl/vraagbaak.php

     

         Philippe Auguste avait entrepris la conquête progressive de la Normandie profitant de l'absence de Richard Cœur de Lion demeuré à la Troisième Croisade, puis de la faiblesse de son successeur, Jean sans Terre. Les deux rois anglais avaient fortifié la vallée de l'Epte, et la vallée de la Seine à Château-Gaillard, et à Boutavent (en face Tosny). Après une première phase de combat Philippe Auguste obtient la promesse de la cession d'une partie du Vexin avec Gisors qui constituera la dot qu'apportera la nièce de Jean sans Terre lors de son mariage avec le fils de Philippe, le dauphin* Louis. Cette nièce, c'est Blanche infante de Castille et future mère de Saint-Louis.

         En contrepartie, Philippe Auguste renonce à tout droit sur la Bretagne. 

     

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         C'est ainsi qu'en avril 1200 Blanche fut accompagnée par une nombreuse députation d'Espagne à Bordeaux puis arriva en Normandie près de son oncle Jean sans Terre pour son mariage avec Louis. Jean sans Terre et Philippe Auguste attendaient la jeune princesse à la limite de leurs possessions dans notre région, en se surveillant mutuellement.
    Sitôt qu'elle fut arrivée au château de Boutavant, fort de protection avancée du Château Gaillard situé dans une île de la Seine, dite île de la Tour, entre Bouafles et Tosny à 5 km en amont des Andelys, où Jean sans Terre tenait sa cour au milieu de ses capitaines anglais, ceux-ci félicitèrent le roi de posséder une nièce d'aussi exceptionnelle vertu, et proclamèrent que le dauphin*
    de France avait grande chance de recevoir une aussi parfaite épouse. (Ouf !...)
         Philippe Auguste occupait à cette époque le château du Goulet, situé sur la côte dite de Catillon, au Pied Anglais, où flottait la bannière française fleurdelisée. (...)
         Dès que la petite fiancée, qui était la gage du traité de paix fût arrivée, Philippe, Jean et leurs plénipotentiaires, se hâtèrent de signer le traité, le 22 mai 1200, dans un champ à proximité du Goulet, où l'on avait dressé une tente décorée de soie orientale et de tapisseries flamandes. C'est là, qu'après d'interminables querelles, les deux rois se rencontrèrent, non plus en ennemis, mais ayant abandonné l'armure, en robe brillante et manteau de fourrure.
         Par le traité du Goulet Jean sans Terre, cédait à la couronne de France : le Vexin, sauf la châtellenie des Andelys, le comté d’Évreux jusqu'au Neubourg et Damville. Les signatures apposées, les sceaux collés sur les larges rubans, il ne restait plus qu'à célébrer le mariage. (...)
         Le mariage ne pouvait avoir lieu religieusement en France. Le pape, Innocent III, homme impitoyable et coléreux, avait lancé l'interdit sur tout le royaume, parce que Philippe Auguste, veuf de sa première femme, avait répudié sa seconde, Ingelbord, fille du roi de Danemark, 48 heures après son mariage pour des raisons d'incompatibilités mystérieuses. (…) Il s'était remarié, illégalement d'ailleurs, en troisième noce, quatre ans auparavant, avec Agnès de Méranie. (…)

         L'archevêque de Bordeaux ne pouvait bénir cette union en territoire français. Il ne restait qu'une ressource : célébrer le mariage en Angleterre. Pour cela il n'y avait qu'un pas à faire, traverser la Seine pour se trouver en territoire anglais à Port-Mort.
         Quand il fallut régler le protocole de la cérémonie, autre difficulté. Le dauphin* était obligé de venir en territoire britannique, mais la confiance était si précaire à l'époque, que l'on pouvait craindre sa capture et qu'il fût prisonnier des Anglais.

         - « Qu'à cela ne tienne, dit Jean sans Terre, j'irai chez les Français, aussi longtemps que le jeune Louis se trouvera en territoire anglais. Je servirai d'otage, ma vie répondra de la sienne. »

         Les solutions ainsi trouvées à ces problèmes, les deux rois ne purent assister à la cérémonie, et lorsque l'archevêque de Bordeaux, Elie de Mallemort, procéda à l'union des deux enfants, il n'y avait de ce fait aucun proche parent présent à la cérémonie, bien que ce mariage fût conclu uniquement dans leur intérêt.

     

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    A droite, photo wikipédia par Totorvdr59 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57574018

     

         La cérémonie eut lieu en l'église de Châteauneuf de Port-Mort, placée sous le vocable de Saint-Martin (aujourd'hui détruite). Construite en contrebas des pitons rocheux (son mur de gauche était constitué par la roche taillée verticalement) de forme rectangulaire, ses dimensions étaient approximativement de 15 mètres pour la longueur, et 8 mètres pour la largeur. Le chœur dans le prolongement côté est devait avoir environ 5 mètres sur 5. (…)

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     On sait que la paix ainsi scellée à Château Neuf en 1200 entre Jean sans Terre et Philippe Auguste ne dura guère, En 1204 Philippe Auguste se lança à la conquête du reste de la Normandie que la prise de Château-Gaillard après huit mois de siège lui facilita. Port-Mort et ses environs n'étaient plus une marche-frontière disputée. Le Château-neuf qui avait vu les cérémonies de 1200 ne fut plus entretenu et les paysans de Port-Mort aidèrent au travail du temps en utilisant les pierres pour leurs constructions. (...) » [2] 

    * NDB : En réalité, le titre de « dauphin » ne fut donné au fils aîné du roi de France qu'à partir du futur Charles V.

     

    Ci-dessus, une photo des ruines de Châteauneuf à découvrir sur le site http://www.montjoye.net/chateau-chateauneuf-port-mort

     

         En mars 1319, Philippe le Long, sieur de Châteauneuf, céda aux religieux de Mortemer tout ce qu'il possédait dans la vallée de Port-Mort, ainsi que le passage de la Garenne (bac)... » [2]

     

    A proximité :

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     « Le tombeau de Saint-Ethbin, de la fin du 19e siècle, à proximité de la rive droite de la Seine, érigé à l'emplacement d'un ancien dolmen. » [7]

         « Primitivement, c'était une sorte de dolmen, pierre fruste horizontale en calcaire portant sur quatre petits supports très bas. Après 1870, ce monument disparut et fut remplacé par une table de pierre taillée reposant sur quatre supports rectangulaires ornés et surmontés de petits chapiteaux. On lit sur cette table « Saint-Ethbin, priez pour nous".
         Ce monument fut élevé par l'abbé Bostel, curé de Port-Mort (1869-1877), afin de donner plus d'intérêt au pèlerinage qui se tenait en cet endroit le dimanche après l'Ascension et le 20 octobre, au lieu du 19, parce que ce jour là on célébrait Saint-Aquilin dans le diocèse d’Évreux. De nombreux pèlerins y venaient pour guérir leurs rhumatismes, en passant trois fois sous la table... » [2]

     

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    3. Le fortin du Goulet ou fort de « Boute Arrière ».

     

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         « Au village du Goulet, près de Saint-Pierre(-d'Autils), Philippe Auguste fit édifier un fort qu'il nomma Boute-Arrière, en opposition à celui érigé par Richard Cœur de Lion, dans l'île aux Bœufs (...). Le roi de France et le roi d'Angleterre se rencontrèrent entre ces deux forts en 1200. Celui de Boute-Arrière a été démoli en 1571, et ses pierres servirent à la construction de la chartreuse de Gaillon. » [7]

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)     « Le fortin du Goulet, appelé à tort Boutavant, fut édifié par Philippe Auguste vers 1195 sur un site en bordure de Seine, (…) Guleton (nom d’origine du Goulet)... est resté dans nos mémoires pour avoir été le séjour des rois Philippe et Richard Cœur de Lion au moment de la signature du traité de Gaillon en 1196. (...)

    Plan du Goulet par Coutil, 1906.

     

         En 1200, le château fut le théâtre d’une entrevue entre Jean sans Terre et Philippe Auguste en vue d’un nouveau traité de paix. (…), le rapprochement des deux parties devint effectif par le mariage de Blanche de Castille, nièce de Jean, et de Louis, fils de Philippe. (...)

         En l’an 1202, le traité fut rompu une nouvelle fois et la forteresse de Boutavant passa dans l’escarcelle du roi de France. Une entrevue entre les rois guerriers fut organisée (…) : les deux rois s'entretinrent durant le carême entre Butavent (Boutavant) et Guleton (Le Goulet), à Château-Neuf, pour mettre un terme à cette énième querelle. (...)

         Philippe (...) cita Jean à comparaître à la cour des pairs, et voulut qu'il cédât une partie des provinces françaises à son neveu Arthur de Bretagne, ou qu'il se soumît au jugement qui serait prononcé. Quand le jour de l'assignation fut venu, Jean ne comparut ni en personne ni par procureur. (…) » [1]

     

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    Plan hypothétique de l'emplacement du fort de l'île aux Bœufs au Goulet ; Blason de Saint-Pierre-la-Garenne par Celbusro — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57761690 

     

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    Saint-Pierre-la-Garenne : deux très belles photos de la motte féodale du Goulet sur l'Île aux Bœufs (vue aérienne) Photos extraites du superbe site à consulter de Francis Cormon : http://www.photo-paramoteur.com/photographies-aeriennes/normandie-eure/eure-chateaux-patrimoine/content/motte-feodale-14_large.html ; http://www.photo-paramoteur.com/photographies-aeriennes/normandie-eure/eure-chateaux-patrimoine/content/motte-feodale-29_large.html

     

          « Philippe part dès le printemps 1202 à l'assaut de la Normandie tandis qu'Arthur s'attaque au Poitou. Mais le jeune duc est surpris par Jean sans Terre lors du siège de Mirebeau, et fait prisonnier avec ses troupes. Arthur de Bretagne disparaît dans les mois qui suivent, probablement assassiné début 1203. Philippe s'assure alors le soutien des vassaux d'Arthur et reprend son action en Normandie au printemps 1203. Il démantèle le système des châteaux normands, prend Le Vaudreuil, et entame le siège de Château-Gaillard en septembre 1203. De son côté, Jean fait l'erreur de quitter la Normandie pour rentrer en Angleterre, en décembre 1203. Château-Gaillard tombe le 6 mars 1204.

         Philippe Auguste peut alors envahir l'ensemble de la Normandie : Falaise, Caen, Bayeux, puis Rouen, Verneuil et Arques tombent immédiatement après et parachèvent le succès de Philippe, qui vient de prendre toute la Normandie en deux ans de campagne. » [7]

     

    LES REMPARTS DE PORT-MORT (Eure)

     

    Document ci-dessus extrait de Récits et documents pour servir à l'histoire de Gaillon et d'alentour / Jean Mineray— Auteur : Mineray, Jean. Auteur du texte - Éditeur :  Bertout (Luneray) - Date d'édition :  1991 - Sujet :  Gaillon (Eure) -- Histoire  - http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33305530/f31.image

     

         « Vainqueur de la bataille de Bouvines en 1214, Philippe Auguste écroua Renaud, comte de Bourgogne, dans cette geôle. Un autre petit château, dit Petit-Goulet, fut construit sur l’autre rive de la Seine. (…)

         On sait que le château était encore debout vers 1320, puisque Philippe V le Long y avait emprisonné Ferrant, comte de Flandre. (...)

         Une ordonnance du roi Charles V, le Sage, écrite du château du Goulet est datée du 17 avril 1364. C’est d’ailleurs en cette place, et par les actes qu’il ratifia, qu’il prit pour la première fois le titre de roi de France, succédant à son père Jean II le Bon, mort le jour précédent. (…) » [1]

     

    A proximité :

         L'oppidum ou camp romain dit Pied anglais, ou Trou aux Anglais, ou encore Le Puy anglais au Goulet :

     

         « Il existe au-dessus de ce hameau l'emplacement d'une autre enceinte militaire plus ancienne, semblable à celles qui se voient en assez grand nombre vers l'embouchure de la Seine, et le long des falaises du littoral normand » [1] :

         « Oppidum celtique réutilisé à l'époque gallo-romaine, peut-être jusqu'au 5e ou 6e siècle ; exploré par A.G. Poulain au début du 20e siècle. D'une superficie de 10 hectares, situé sur un promontoire qui domine le hameau du Goulet. Levée de terre formant un arc de cercle d'environ 140 m de circonférence, constituée d'un talus et d'un fossé à fond plat de 23 m de large et de 4 m de profondeur ; le rempart surplombe le fossé de plus de 12 mètres de hauteur. Deux ouvertures y donnent accès : une porte à ailes rentrantes à l'ouest et une brèche au sud-est. Du mobilier datant des différentes époques d'occupation y a été découvert. » [8]

     

    Sources :

     

    [1] Extrait de http://lemercuredegaillon.free.fr/gaillon27/forteresses.htm#c

    [2] Extrait de http://www.port-mort.com/qdantandeux.htm ; http://www.port-mort.com/accueil.htm ; http://www.port-mort.com/saintethbin.htm

    [3] Extrait de http://www.saintpierredautils.fr/fr/information/19917/prehistoire-16-eme-siecle

    [4] Extrait de http://www.auxpaysdemesancetres.com/pages/haute-normandie/eure-27/pr.html

    [5] Extrait de http://www.richesheures.net/epoque-6-15/chateau/27gaillard-description.htm

    [6] Extrait de http://www.mondes-normands.caen.fr/france/patrimoine_architectural/normandie/Vexin/lesAndelys/0813Tosny/index.htm

    [7] Extrait de Wikipédia

    [8] Extrait de http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=DENO&VALUE_98=%e9difice%20fortifi%e9&NUMBER=8&GRP=7&REQ=%28%28%e9difice%20fortifi%e9%29%20%3aDENO%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=Tous

    [9] Extrait de http://normandie-jeunesse.hautetfort.com/tag/cl%C3%A9ry

    [10] Extrait de l'article « Château-Gaillard dans la défense de la Normandie orientale 1196-1204» par Dominique Pitte, in Anglo-Norman Studies XXIV : Proceedings of the Battle Conference 2001 publié par John Gillingham https://books.google.fr/books?id=7uDnLRJ4bHwC&pg=PA168&lpg=PA168&dq=la+forteresse+de+Boutavant+%C3%A0+Tosny&source=bl&ots=LuKWTSht_m&sig=GYxqkLLaYNbuNIbHCbdbvm-gcE0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjDzv_VtMfUAhWiLMAKHfszApoQ6AEIWTAH#v=onepage&q=la%20forteresse%20de%20Boutavant%20%C3%A0%20Tosny&f=false

     

    Bonnes pages :

     

    O http://www.montjoye.net/chateau-chateauneuf-port-mort

    O https://adlfi.revues.org/5262

    O Titre :  Récits et documents pour servir à l'histoire de Gaillon et d'alentour / Jean Mineray— Auteur : Mineray, Jean. Auteur du texte - Éditeur :  Bertout (Luneray) - Date d'édition :  1991 - Sujet :  Gaillon (Eure) -- Histoire  - http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33305530/f31.image

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