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LES REMPARTS DE TOMBELAINE (Manche)
Ci-dessus : photos de gauche et de droite extraites de http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/08/07/21740012.html
« ...sur la nappe brillante des fleuves ou de la mer, le Mont-Saint-Michel se dresse comme un vaisseau dans l’orgueil de sa mâture et l’ampleur de ses voiles, Tombelaine apparaît triste et honteux comme un vaisseau rasé ». Le Héricher
Ci-dessus : à gauche, situation de l'ilot de Tombelaine dans la baie du Mont-Saint-Michel, photo aérienne extraite du site Géoportail ; à droite, un extrait de la carte de Cassini
« Tombelaine est une île de la Manche située dans la baie du Mont Saint-Michel. Elle fait partie de la commune de Genêts. Le site est classé monument historique depuis 1936. Situé à 2,5 km du mont Saint-Michel, l'ilot de Tombelaine couvre une surface de 4 hectares pour un périmètre de 1,2 km. Sa surface est donc plus grande que celle du mont Saint-Michel, mais il est moins élevé. Son sommet est le pic de la Folie, qui culmine à 45 m au-dessus du niveau de la mer. (…) [1]
Ci-dessus : blason de Genêts, commune dont dépend l'îlot de Tombelaine par Chatsam — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=36847242
« Au 10e siècle, une chapelle est bâtie sur le rocher. par la suite les moines du Mont Saint Michel vont édifier sur l'ilot un manoir. Au cours de la guerre de cent ans, une garnison anglaise basée sur le rocher va y construire des remparts afin de se protéger des 119 chevaliers français du Mont Saint Michel. Il ne reste que quelques vestiges des ces anciennes constructions. (...)
Sous Louis XIV, cette ile est la propriété de Nicolas Fouquet, surintendant des finances du roi. En 1661, le roi ordonne l'arrestation de Fouquet et lui confisque tout ses biens. Quelques années plus tard, les constructions de Tombelaine sont presque entièrement détruites. » [2]
Photo ci-dessus à gauche extraite de http://www.survoldefrance.fr/affichage.php?&departement=Manche+(50)&f=240 Conception, réalisation et administration : Benoit Marembert ; photos ci-dessus à droite extraites de https://www.cheminsdelabaie.com/tombelaine.html "Ces 2 photos montrent des restes de tours de la forteresse anglaise. La tour d'en bas a été restaurée par les monuments historiques il y a quelques années."
« Au 11e siècle, deux moines, Anastase et Robert, quittent le Mont Saint-Michel pour s'y retirer en ermites. En 1137, Bernard le Vénérable y fonde un prieuré et l'îlot devient un lieu de pèlerinage. L'église est dédiée à Notre-Dame de la Gisante ou Notre Dame de Tombelaine.
L'îlot est fortifié en 1220, et occupé par les Anglais en 1423, dans l'espoir de prendre le Mont. » [1]
« Quant à Tombelaine, les Français le reprirent en 1450. Nous lisons dans l'Histoire de Charles VII, écrite par Jean Chartier, de Bayeux : « Après la réduction d'Avranches, le dict duc de Bretagne et son ost allèrent devant la place de Tombelaine, qui est une très forte place et quasi imprenable, pourvue et tant qu'on ait suffisance de vivre dedans : car elle est toute assise et posée sur un rocher près du Mont Saint-Michel. En la dite place il y avoit en garnison quatre-vingt à cent Anglois, lesquels voyant si grosse puissance de François devant eux, se rendirent à composition, tels qu'ils devoient aller leurs corps et biens saufs : ce qu'ils firent et se retirèrent à Cherbourg ». Le brave Louis d'Estouteville et son frère le cardinal Guillaume d'Estouteville étaient, l'un gouverneur, l'autre abbé commendataire du Mont. » [3]
« Les fortifications érigées servent ensuite durant les guerres de religions au comte de Montgommery, qui en fait son repaire. Il y aurait battu de la fausse monnaie et y abrité sa maîtresse. » [1]
« Tombelaine devait encore une fois appartenir aux protestants. Montgommery, seigneur de Ducey, devenu le grand chef des huguenots après avoir blessé à mort le roi Henri II, le prit par surprise en 1562, et le garda jusqu'à sa mort, en 1574.
On sait que Henri IV, devenu roi de France, ne fut reconnu que successivement comme tel par les diverses provinces et cités de son royaume. Tombelaine, redevenu français, fit sa soumission en 1592. Elle fut marquée par un évènement tragique : le vicomte de Vire et le seigneur de Grippon se noyèrent ce jour-là en se rendant à la côte.Tombelaine était devenu le siège d'un gouvernement militaire. Fouquet, le fameux surintendant, en fut possesseur jusqu'au jour de sa célèbre disgrâce. Il transforma le prieuré en château, y ajouta quelques bâtiments, releva les parties qui étaient ruinées, et y entretint une garnison. Le dernier commandant, dit M. le chanoine Pigeon dans son Diocèse d'Avranches (II, p. 361), fut le sieur Le Lorrain, inhumé à Genêts le 12 janvier 1662. Sa mort avait laissé Tombelaine sans chef. Aussi, dès l'année suivante, des soldats du régiment de la marine, qui étaient venus l'occuper, y commirent force dégâts. Constatation en fut faite et procès-verbal dressé au nom du roi par le gouverneur du Mont Saint-Michel, le sieur de la Chastière. A partir de cette époque, il ne resta sur notre îlot qu'un petit nombre d'habitants avec leur chapelain. Ce dernier, nommé Richard Gires, célébra, le 23 mai de cette année, le mariage de Robert Le Grand et de Guillemine Caron. Le dernier garde connu fut un certain André Blondel, qui, surpris par la mer alors qu'il se rendait à son poste, « se noya ès grèves du Mont Saint-Michel, et fut aussi inhumé à Genêts », le 23 décembre 1665. C'est alors que le gouverneur du Mont Saint-Michel, M. de la Chastière, désireux de mettre le Mont à l'abri d'un coup de main de la part des Anglais, demandait et obtenait de Louis XIV deux compagnies du régiment de Picardie, puis l'autorisation de démanteler Tombelaine. »
« Château et forteresse, tout fut rasé sans pitié. Il ne subsista que la chapelle du prieuré, alors dédiée à Notre-Dame et à sainte Apolline.
A gauche : Ordre de démolition du château de Tombelaine par Louis XIV en 1666, extrait de https://www.wikimanche.fr/Tombelaine
Après la destruction des bâtiments, l’ilot fut rapidement abandonné de ses habitants. Les fraudeurs de la côte et de Jersey trouvèrent longtemps dans les ruines un asile où ils cachaient les produits de leur contrebande.
Au commencement de notre siècle, l'antique et vénérable monastère de Notre-Dame-la-Gisante avait, lui aussi, disparu. Sur ses ruines fut élevé un sémaphore qui n'existe plus. » [3]« Alors que la société nommée Groupement national de la baie du Mont Saint-Michel désire en faire un lieu de résidence pour touristes, Tombelaine est achetée par l'État en 1933, puis classée en 1936 et 1987. » [1] Voir les projets présentés ci-dessous...
« De l'ancienne forteresse, commencée par Philippe-Auguste, agrandie par les Anglais, restaurée plusieurs fois par les Français, il reste encore trois tronçons de tours ruinées, des murs de courtine, une rampe d'accès, la base du château ou du donjon sur le pic le plus élevé, et l'emplacement de la chapelle ; tout le reste a disparu. » [3]
Photo ci-dessus : https://www.cheminsdelabaie.com/tombelaine.html
Ci-dessus, photo à gauche extraite de http://m.conservatoire-du-littoral.fr/siteLittoralMobile/488/72-ilot-de-tombelaine-50_manche.htm
Ci-dessus : à gauche, vestiges des fortifications de Tombelaine, par Henri Magron extrait de https://www.wikimanche.fr/Fichier:Vestiges_des_fortifications_de_Tombelaine.jpg ; à droite, photo extraite de http://patrimoine-de-france.com/manche/genets/ilot-de-tombelaine-2.php
Les légendes :
« L'îlot de Tombelaine, à l'origine de nombreuses légendes, fût le lieu d'implantation d'une chapelle, puis d'un prieuré, puis d'un village et enfin d'un château-fort, il fut occupé par les Anglais. La destruction de ce dernier et des maisons qu'il entourait, fût une aubaine et servi de carrière de pierres déjà taillées, c'est pourquoi il ne reste que quelques ruines mais dont il émane une atmosphère étrange, que quelques âmes ayant vécu en ce lieu peut-être, nous font ressentir à son approche. » [4]
« Son nom naîtrait d'une légende celte, qui dit qu'une princesse nommée Hélène, fille du roi Hoël, fut enlevée par un géant et fut inhumée sur ce rocher. Son étymologie pourrait aussi être celte et signifier « petit mont Tombe ».
En 1827, Étienne de Jouy, de l'Académie française, écrit : « Pour éviter de donner à Tombelaine (ou Tomblaine) une étymologie commune avec le « mont Belenus », quelques analystes ont fait dériver son nom de de « Tombuluna » (petite tombe). Mais on a repoussé cette version en faisant observer avec justesse que Tombelaine était plus grande que le mont Saint-Michel. D'un autre côté, un historien breton, d'Argentré, avance que ce rocher était désigné dans quelques bulles sous la dénomination de « tumba Helenœ » (tombe d'Hélène) et il justifie cette orthographe par une histoire. Il raconte que la nièce d'un roi de la Petite-Bretagne, nommée Hélène, fut enlevée par un chevalier espagnol qui la conduisit sur ce roc, qu'après y avoir consommé un hymen qui n'eut que le ciel pour témoin et le plus volage des dieux pour garant, le félon s'enfuit en laissant là la belle qui mourut de désespoir. Il ne manque à la vraisemblance de cette origine que d'être une date plus ancienne, car la belle Hélène dont parle d'Argentré vivait à la fin du onzième siècle et le rocher de Tombelaine était connu sous ce nom bien antérieurement à cette époque. Des recherches plus sévères ont amené à croire que c'était à l'époque de l'invasion des Romains dans ce pays qu'il fallait faire remonter ce nom de Tombelaine, d'une étymologie évidemment latine. ». [1]
Ci-dessus, à droite, photo aérienne extraite du site Géoportail
« Saint-Jean-au-bout-de-la-mer ! Quel joli nom et qu’il peint bien la chose ! C’est le bout de la mer, en effet, que ce petit village perdu depuis des siècles au fond de la vallée. La mer n’a jamais été plus loin. Au 12e siècle, Thomas de Saint-Jean donna au village le nom qu’on lui connaît aujourd’hui, Saint-Jean-le-Thomas, sans doute pour affirmer davantage ses droits de haute et basse et justice sur tout le pays qu’il dominait. Car ce n’étaient pas de petits sires que les seigneurs de Saint-Jean.
Leur château s’élevait, comme une menace, au haut de la côte qui regarde le Mont-Saint-Michel. Lorsqu’on détruisit au 19e siècle les restes du donjon, le peuple avait encore en mémoire le souvenir de Montgommery. Jetez ce nom terrible aux gens de la côte, à partir de Carolles, ils ne se signeront pas, parce qu’ils ne croient plus au diable, mais ils vous diront que le château de Saint-Jean était sa demeure favorite. Trois souterrains partaient de là pour aboutir à divers points. Le plus important était celui de Tombelaine, qui reliait deux forteresses, en se prolongeant au-dessous des grèves. A Tombelaine était l’arsenal du farouche seigneur ; c’était là qu’il fabriquait ses armes redoutables, qu’il battait la monnaie de ses trésors. Le second souterrain avait une issue secrète près de l’église de Saint-Jean, à l’endroit que l’on nomma plus tard la Croix-de-Pierre.
Le troisième, enfin, perçait la falaise de Champeaux, et s’avançait dans la terre jusqu’au milieu d’un riant verger, sur les bords d’une petite rivière, où le guerrier venait abreuver ses chevaux. On le voyait ensuite, dit la légende, passer, rapide comme l’éclair, à travers la campagne, escalader les monts, franchir les bois, au gré de sa haquenée blanche, que lui seul pouvait maîtriser. Toutes ses fières cavales, tous les coursiers de ses hommes d’armes étaient ferrés à rebours afin qu’on ne pût reconnaître de quel côté le maître et sa troupe dirigeaient leur marche.
Après ses courses, qui souvent n’étaient que des pillages, il revenait s’enfermer dans son castel de Saint-Jean. Là, dans un appartement secret, loin de tout regard, était cachée la maîtresse de Montgommery, la belle Hélène. Il la nourrissait lui-même ; c’était à ses pieds qu’il passait ses moments de repos. Sous le beau regard d’une femme, le lion devenait agneau. Mais, un jour, il fallut partir pour une expédition lointaine ; il fallut se séparer de son amante. On dit que, pour être plus sûr d’elle, il la conduisit à Tombelaine, et qu’elle mourut de chagrin sur ce rocher où elle finit ensevelie. Les pêcheurs ont observé que, chaque année, le jour et l’heure où l’on dit que trépassa cette fille de châtelaine, quand elle eût perdu de vue, dans la vapeur de l’océan, le vaisseau qui emportait sa vie, une colombe vient le soir sur les genêts de Tombelaine et ne s’envole que le lendemain à l’aurore. (…)
On dit que ce souterrain qui relie Tombelaine au château de Saint-Jean existe toujours. L’ombre d’Hélène erre souvent dans cette route ignorée. Parfois, la nuit, du haut des grèves, sa voix sort de terre et se mêle, en sanglotant, au bruit des flots. Quand la tempête remue les vagues, on entend la même voix. Elle est puissante alors, et l’écho du rivage redit comme elle : « Montgommery ! Montgommery ! » [5]
Autres variantes des légendes sur :
http://www.normandie-heritage.com/spip.php?article640
https://www.le-petit-manchot.fr/cc-04-07-genet-la-legende-de-tombelaine/articles/
Sources :
[1] Extrait de Wikimanche : https://www.wikimanche.fr/Tombelaine
[2] Extrait de https://www.cheminsdelabaie.com/tombelaine.html
[3] Extrait de La Normandie Monumentale Manche - deuxième partie 1899 par l'abbé A. Bouillet http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2014/06/07/30025290.html
[4] Extrait de http://www.france-voyage.com/villes-villages/genets-17465/rocher-tombelaine-34152.htm
[5] D’après « La Revue illustrée de Bretagne et d’Anjou » paru en 1889 et « Guide du voyageur au Mont-Saint-Michel et au Mont-Tombelaine » paru en 1856 http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article1992
Bonnes pages :
http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article1992
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6138594j/f243.image.r=Tombelaine
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