• LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)

    LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne) LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne) LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)

     

    Photos extraites du site anglais : http://www.normandythenandnow.com/the-devil-and-chateau-de-jumilly/ 

     

         Les vestiges du chateau de Jumilly dit le château du Diable se trouvent sur la commune de Saint-Bômer-les-Forges dans l'Orne à peu de distance de la route allant de Flers à Domfront.

     

         1845 : « Le château de Jumilly, plus connu sous le nom de château du Diable dont les frayeurs et les superstitions populaires l'avaient baptisé depuis qu'il avait cessé d'être habité, offrait il y a peu d'années encore des ruines fort intéressantes dont l'atlas des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie a donné un dessin. « Une double enceinte plutôt d'ornement que de défense, des décombres d'écuries, de remises, de chapelles garnissant l'entrée des cours, un étang, de larges douves, des avenues, des champs et des prairies, voilà, disait M. Galeron, ce qu'on observe autour de soi jusqu'à l'emplacement où s'élevait le château lui-même. il était flanqué de quatre tours de 13 mètres d'élévation à peu près, au centre desquelles la riche façade se présentait ornée d'élégants bas-reliefs des plus beaux temps de la renaissance. Les intérieurs étaient très soignés, les cheminées sculptées, et des médaillons en relief ornaient les parties les plus saillantes de l'édifice... Les constructions, quoique finement travaillées. étaient en granit, et l'on a peine à concevoir que l'on ait essayé des travaux aussi délicats sur une matière aussi ingrate ». A cette époque déjà (1829), une seule tour restait à peu prés entière. Les autres tours, les murailles, les cloisons, les planches s'écroulaient dans le désordre le plus pittoresque. » [1]  

     

    LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)  LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)

     

    Plan hypothétique du site du château de Jumilly, commune de Saint-Bômer-les-Forges ; blason de la famille Barré de Jumilly réalisé par Gilloudifs.

     

    LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)     1909 : « Le château de Jumilly, ou « du Diable », pour employer l'expression commune, s'élevait à la naissance d'un vallon affluent de la Varenne nommé Vausourdet, faisant suite au versant méridional de la colline des Bruyères, dites autrefois landes de « Sabot doré », sur le territoire de la commune de Saint-Bômer-les-Forges, à quatre kilomètres de Domfront. Le ruisseau de Vausourdet passe de ladite commune sur celle de la Haute-Chapelle, et Lepaige, en 1777, écrivait que l'étang de Vausourdet, situé dans cette dernière, faisait tourner deux moulins dont on ne retrouve même plus aujourd'hui la place. Le lit desséché de l'étang seul se voit encore vers le bas du vallon indiqué par la digue de retenue encore existante.

     

    Photo ci-dessus extraite de http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2014/10/10/30742711.html

     

         L'habitation seigneuriale, construite dans le style de la Renaissance, se dressait au milieu de l'eau ; des ruines de cette gentilhommière, considérable en 1829, il ne reste presque plus rien.

         Par l'avenue d'ormes magnifiques qui le précédait, on accédait au moyen d'une grille de fer dans une première cour ceinte de murs où se trouvaient à droite les écuries et une entrée sur le jardin, à gauche le logement du concierge avec une fuie.

         Cette cour, au moyen de deux ponts-levis parallèles et contigus, communiquait à la cour d'honneur de forme carrée, close de murs épais, flanqués de grosses tours d'angles que venaient battre les eaux de l'étang et des douves.

         Le logis se trouvait au fond avec ses deux étages, l'arrière donnant directement sur les eaux de l'étang. Le rez-de-chaussée comprenait une cuisine, les caves et le cellier. Un escalier de pierre conduisait au premier étage ; dans un grand vestibule, à droite, se trouvait une chambre à coucher, à gauche une salle de compagnie et une salle à manger. Le second étage contenait une antichambre avec une chambre et son cabinet à gauche, deux chambres et deux cabinets séparés à droite. Le troisième, mansardé, pouvait être occupé par le personnel du château.

         Sur la droite de ces constructions, dans un îlot entre le mur d'enceinte de la cour d'honneur et le jardin, se trouvait la chapelle à laquelle, vu l'orientation de sa porte d'entrée, on ne pouvait, semble-t-il, accéder qu'à l'aide d'une passerelle la reliant au château.

         Le linteau de chaque porte était orné d'un écusson aux armes des Barré de Jumilly, c'est-à-dire d'or à trois trèfles de sinople et une rose de gueules en abîme, ce qui nous porterait à croire que l'habitation fut élevée ou tout au moins restaurée au début de 1600, probablement par Henri Ier de Jumilly (Barré). Celui de l'entrée de la chapelle supporte deux écus, l'un des dits de Jumilly, l'autre de quelque famille alliée sans aucun doute. Son état de conservation ne permet pas d'en distinguer les émaux et ne donne qu'une croix pour tout meuble héraldique.

         Les seuls vestiges de l'heure présente se réduisent à une tour d'angle effondrée, un pilier de maçonnerie laissant encore voir deux quarts de rond droits, assises des pleins cintres des deux baies donnant sur les ponts-levis, aux murs de soubassement de la chapelle, à quelques pans de maçonnerie ayant formé le fond des écuries et à un certain nombre de blocs épars dans les saules et les roseaux. Les joncs et les nénuphars ont lentement envahi l'étang et les douves, offrant aux rares oiseaux de passage un asile presque inviolable.

         Le domaine de Jumilly, d'abord simple quart de fief de haubert, devint lief entier avec Henri II de Jumilly (Barré), qui réunit à ladite seigneurie le fief de Brézie (Cornet), auquel avait déjà été rattaché le fief dit de Saint-Bômer, et en obtint en 1654 lettres patentes enregistrées aux cours de Normandie en 1655 et 1656.

         L'étendue des terres, propriété des de Jumilly, semble à cette époque avoir été considérable, puisqu'ils possédaient en outre les fiefs de la Nocherie et du Bois-Halley. (...)

         Les sires de Jumilly avaient, ainsi que nous l'avons dit, le titre de Seigneurs de Saint-Bômer, et Lepaige nous les donne comme étant une famille fort ancienne et très riche, possédant des biens à La Carneille, à Hudecourt, en Picardie, et aux environs de Senlis.

         Dès 1240, nous voyons Guillaume et Siméon de Jumilly faire un don à l'abbaye de Lonlay. (...) En 1397, François de Saint-Bômer était seigneur de Landigou.

         La seigneurie de Saint-Bômer passe alors à Colin de Saint-Bômer, que le 21 janvier 1440 le roi d'Angleterre Henri VI dépouilla de ses biens pour cause de rébellion. (...)

           Avec la ruine l'oubli se fit bientôt sur cette noble famille. Les de Saint-Bômer portaient écartelé d'or et d'azur au franc quartier de sable.

         En 1602, avec le domaine de Jumilly, la seigneurie de Saint-Bômer passe aux Barré. François Barré, (…) suivant un penchant assez commun chez les races qui s'ennoblissent, abandonna le nom patronymique de ses ancêtres pour retenir uniquement celui de Jumilly. Lepaige nous fait remarquer, ce qui vaut mieux, qu'il sauva Domfront du pillage. (...) Le domaine de Jumilly tombant en quenouille fut divisé entre Marquise et Antoinette de Jumilly (...) Jumilly échut à Marquise, épouse Pitard. Brézie et Saint-Bômer composèrent le lot d'Antoinette, épouse de de Gouvels-Fleurière. (...)

         La Révolution passa d'ailleurs à côté de M. de Barberé. Toutefois, le château de Jumilly reçu la visite de pillards, probablement de cette bande de chauffeurs dont les quartiers étaient établis dans les landes de Sabot-Doré. (...) » [2]

     

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         1910 : « Le fief noble de Jumilly, dont le siège était situé près de la route de Flers à Domfront, à l'extrémité d'une avenue de chênes, au milieu d'un étang marécageux, était, au 17ème siècle, le plus important de Saint-Bômer. L'on y voyait le château entouré de douves et d'étangs, avec une chapelle, au frontispice de laquelle paraissaient les armes et écussons des seigneurs du lieu.

         En 1854, si l'enceinte était encore entière, il n'y avait plus en revanche que la base des tours presque arasées, des pans de murs d'un donjon en ruines. Une ferme était établie au milieu de ces débris, environnés de toutes parts d'arbres touffus. Le paysage était encore digne d'exciter le crayon d'un artiste.

     

    LES REMPARTS DE JUMILLY (Orne)     Voici ce qu'en disait, en 1829, M. Galeron, membre de la Société des Antiquaires de Normandie : « Une double enceinte encore tracée, et plutôt d'ornement que de défense, des décombres d'écurie, de remises, de chapelle, garnissant l'entrée des cours, un étang, de larges douves, des avenues, des champs et des prairies, voilà ce que l'on observe autour de soi, avant d'arriver à l'emplacement où s'élevait le château lui-même. Il était flanqué de quatre tours de 40 pieds d'élévation à peu près, au centre desquelles la riche façade se présentait, ornée d'élégants bas-reliefs des plus beaux temps de la Renaissance. Les intérieurs étaient très soignés, les cheminées sculptées, et des médaillons en relief ornaient les parties les plus saillantes de l'édifice. Aujourd'hui le désordre est partout dans cette enceinte : les frontons, les tours, les cloisons intérieures, les riches ciselures s'écroulent et roulent confondues. La ronce, les arbustes parasites croissent sur les seuils brisés et désunis, et jusque dans les crevasses des grosses murailles inférieures ; le deuil, la désolation ont envahi toute l'enceinte, et l'on n'y entend plus que le sifflement des vents et le cri des hiboux ; les villageois effrayés s'en éloignent la nuit avec terreur, croyant sans doute que de tristes génies ont établi leurs retraites sous ces anciens débris. Tel est sans exagération le tableau qu'offre ce Château du diable, dont le nom seul est un épouvantail, qu'un romancier pourrait choisir pour y placer quelque scène lugubre, et qui toutefois, selon les apparences, dut être, il y a peu de siècles, le centre des plaisirs et la merveille de la contrée. Les constructions, quoique finement travaillées, étaient en granit, et l'on à peine à concevoir que l'on ait essayé des travaux aussi délicats sur une matière aussi ingrate. La vue des ruines est d'un bel effet ; on voyagerait souvent longtemps avant de rencontrer une fabrique de cette originalité et de cette importance.

         Le domaine appartient aujourd'hui à un M. de Saint-Bômer, qui n'a rien fait pour retarder la chute complète des dernières parties du château. Une des grosses tours, sur le derrière, est seule encore à peu près entière. Peu d'hivers suffiront pour faire disparaître ce qui reste debout de cette ruine vraiment remarquable. » [3]

     

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    Ci-dessus à gauche photo aérienne extraite du site Géoportail , à droite, photo extraite de
    http://www.normandythenandnow.com/the-devil-and-chateau-de-jumilly/

     

    Les légendes :

     

         « Le lierre et les ronces croissaient dans les interstices des pierres comme la légende dans les lacunes de l'histoire. Mille contes ridicules ou terribles de génies et de revenants protégeaient ces ruines contre la curiosité des paysans : ils n'ont pu, non plus que son intérêt architectural, la défendre contre les dédains de son propriétaire. Livré comme carrière de pierres à bâtir aux fermiers des environs, le château du Diable a presqu'entièrement disparu. Il n'en restera bientôt plus que la place ; de son nom il ne reste déjà que la légende. » [1]

     

          « Ce ne sont donc pas les exigences des sires de Jumilly qui firent donner à leur résidence le nom de « Château du Diable ».

         Cette dénomination doit naturellement avoir sa légende. Elle en possède, en effet, non seulement une mais plusieurs, toutes plus ou moins fantaisistes.

         Voici, dans sa naïve simplicité, celle que racontent les gens du pays et que jadis me conta ma grand-mère. Il était une fois un seigneur de Jumilly qui, ayant besoin d'argent, fit un pacte avec le diable.

         Messire Satan apporta donc au château une cassette de bronze pleine de louis d'or, mais son mortel partenaire devrait signer de son sang un acte en bonne et due forme par lequel, en échange de l'avantage accordé, le châtelain abandonnait au prince des Enfers l'âme de l'enfant que son épouse allait bientôt mettre au monde.

         Mme de Jumilly, qui paraît-il, était fort curieuse, et pour cette fois bien lui en prit, écoutait à la porte la combinaison de nos deux sinistres compères et au moment où son mari s'apprêtait à apposer son nom au bas du contrat fatal, elle fit irruption dans la salle.

         Une explication immédiatement s'en suivit, au cours de laquelle Mme de Jumilly décida son seigneur et maître à troquer son âme à lui contre l'or du diable mais à la condition expresse que le sire de Jumilly ne descendrait dans l'antre infernal qu'à l'expiration de tel délai qu'il plairait à son épouse de fixer.

         L'acte signé, le diable de prier Mme de Jumilly de lui faire connaître le laps de temps qu'elle désirait encore conserver son mari. « Seulement le temps, répondit-elle, que mettra à brûler cette chandelle de vingt » (40 au kilogramme). Puis aussitôt elle présenta la dite chandelle qui fut marquée au sceau des Enfers.

         M. de Jumilly, terrifié, se demanda si sa douce moitié ne devenait pas folle, et Lucifer riait à se décrocher la mâchoire. Mme de Jumilly elle-même alluma la chandelle qui fondait avec une rapidité vertigineuse. « Comme elle brûle! » fit la châtelaine. - « En effet », répondit Satan, et avant que ce dernier ait eu le temps d'y songer, Mme de Jumilly, par la fenêtre ouverte, noyait dans les eaux de l'étang chandelle et chandelier. Le diable de plonger immédiatement à la suite, mais il en fut pour ses frais, la chandelle était bénite, il ne put y toucher. Satan, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus s'enfuit dans un violent coup de tonnerre et court encore, emportant sa cassette à moitié vide, qu'il brisa de colère sur un roc en traversant les taillis qui avoisinaient le château.

         Le sire de Jumilly fut tellement estomaqué de la scène qu'il en mourut de saisissement. Le diable revint alors, dit-on, et, pour se dédommager de l'âme du seigneur, en emporta le corps.

         Il paraît que chaque nuit de grandes ombres aux ailes de chauve-souris viennent errer autour des ruines de Jumilly et sur les flots de l'étang. Quelques valets sans doute des mondes inférieurs auxquels est confiée la surveillance de l'âme de M. de Jumilly et de la « fameuse chandelle ».

         Quel fait a bien pu donner naissance à une légende aussi bizarre ? Il n'y a point de fumée sans feu, dit un brocart populaire ; à coup sûr, quelque chose d'anormal a dû se passer. Nous en sommes cependant réduit à des conjectures.

         La dénomination de château du Diable aurait été donnée au logis de Jumilly à cause de cela que, dans sa grande salle, se trouvait une immense cheminée au vaste manteau de granit ornementé d'une scène antique représentant le dieu Pan jouant de la flûte traversière. Cette pierre, véritable objet d'art, longtemps abandonnée dans les ruines de Jumilly, a été, il y a quelques années seulement, utilisée pour paver le fond du four de la ferme du Bas-Bourg, appartenant alors à M. F. du Halgouët. Le maçon qui l'employa, feu Jean Bouvet, du village du Petit Mesnil, en Saint-Bômer, non seulement n'eut pas l'idée de la retourner afin de la moins détériorer, mais la dressa à coups de marteau ; « D'ailleurs, disait-il, ça ne représentait rien que le diable qui jouait de la siffle ». Vandale, va !!!

         Cette explication, à la rigueur, suffirait, et l'on pourrait croire que la légende fut inventée de toutes pièces. Mais M. Jean Hamard, de l'Auvraire, nous en donnait une autre qui mérite d'être prise en considération et qui, tout probablement, est la véritable : M. de la Rivière, chargé de dettes et ne pouvant satisfaire ses nombreux créanciers, entre autres l'Etat, dont il avait soulagé les coffres, se serait expatrié, se faisant passer pour mort.

         On aurait alors déposé un tronc d'arbre dans un cercueil, et entené le tout au lieu et place de M. de la Rivière.

         A cette époque, les corbillards n'existaient point et les morts étaient, comme ils le sont encore dans nos campagnes, transportés à bras d'hommes se relayant de distance en distance.

         Les porteurs se seraient aperçus du subterfuge. Le prétendu mort, mal calé, vacillant entre ses quatre planches et ayant une sonorité des plus symptomatiques, nos bonshommes auraient raconté, à l'issue de l'inhumation, à qui voulait les entendre, qu'ils n'avaient point enseveli un cadavre, mais une pièce de bois. Le seigneur avait refusé le prêtre et bien sûr le diable l'avait emporté.

         M. Jean Hamard, de l'Auvraire, tenait ce récit de son grand-père, M. Hamard, de l'Epine, qui, lui, l'avait entendu conter à son grand-père, l'un des porteurs en question. Certains faits, d'ailleurs, le corroborent.

         M. de la Rivière était effectivement chargé de dettes, et il y a une trentaine d'années, M. l'abbé P. Corbière, ancien curé de Saint-Bômer, reçut de la Martinique une lettre signée « de la Rivière », demandant ce qu'était devenu le domaine de Jumilly. Pourquoi ne pas voir en ce M. de la Rivière un descendant du prétendu mort de 1729 qui se serait enfui ?

         L'acte de décès de M. de la Rivière est ainsi libellé : « Nous, curé de Saint-Bômer soussigné, attestons que le vendredi vingt et deuxième jour d'avril mil sept cent vingt et neuf fut inhumé sous le banc de la chapelle de Jumilly, adhérente à notre église, messire Christophe Alexandre de la Rivière, seigneur de Jumilly et trésorier « de France au bureau d'Alençon, ledit seigneur décédé en son château de Jumilly le mercredi précédent, sur les quatre heures du soir, suivant le rapport qu'on nous a fait, et ce en présence et assistance de Me Michel Cousin, prêtre vicaire de la paroisse, et Julien Plessis, diacre aussi de la dite paroisse, qui ont signé avec nous curé de ladite paroisse. Signé : Montaufray, J. Plessis, M. Cousin, curé de Saint-Bômer, diacre, prêtre.» (...) il résulte que le curé de Saint-Bômer ne dit point avoir inhumé mais seulement atteste avoir inhumé le seigneur de Jumilly décédé sur le rapport qu'on lui a fait. Il ne garantit donc qu'une chose c'est qu'on lui a fait un rapport, il atteste la véracité de ce fait et c'est tout.

         Cette explication de l'origine de la légende a beaucoup de chances d'être la bonne, la bonne foi et la compétence de son auteur nous paraissent hors de doute. Il eût été facile d'éclaircir le mystère en soulevant la dalle qui fermait la tombe de M. de la Rivière. La chose est malheureusement aujourd'hui impossible, l'église de Saint-Bômer ayant été, en 1848, totalement reconstruite et les tombeaux de ses seigneurs enfouis dans le sol, sous le pavage et le parquet des bancs actuels. Quoi qu'il en soit, ce qu'il y a d'absolument certain, c'est que la légende de Jumilly, relativement moderne, date tout au plus du commencement du 18e siècle. » [2]

     

         « A titre d'échantillon, nous rapporterons celle de M. Lebreton, parue dans Esprits et Fantômes : « Là, demeurait, il y a bien longtemps, un opulent seigneur, un comte renommé. Ce n'était dans son château que fêtes de tous genres, tournois, jeux et festins. Les jeunes chevaliers du pays aimaient à s'y donner rendez-vous, et bien des larmes auraient coulé sur les joues des jeunes filles, si les châtelaines, leurs mères, leur avaient défendu d'aller voir et se faire voir aux réunions du château. Le seigneur du lieu faisait à tous bon accueil, et quand des heures entières avaient été consacrées au plaisir, il réunissait ses hôtes dans de splendides festins : la joie de la table venait couronner la joie des jeux et de l'amour.

         Un jour pourtant, à cette table si joyeuse, les conversations rieuses et légères firent place  à une vive discussion ; la colère enflammait la voix du maître, et il s'oublia jusqu'à prononcer un de ces jugements terribles, qu'à cette époque reculée on ne proférait jamais impunément : « Que le diable m'emporte », avait-il osé dire.

         Un silence de mort succéda sur-le-champ aux gais propos des convives ; ils se regardaient avec frayeur, cloués à leur place, sans s'apercevoir même que le soleil était déjà couché.

         Les dernières lueurs du jour venaient de s'éteindre, quand on entendit dans tout le pays un bruit étrange ; il semblait sortir de terre et partir du tertre voisin ; cette masse noirâtre s'agitait en frémissant, comme pour vomir un volcan. Il en sortit en effet du feu et de la fumée ; mais ces flammes s'éteignirent tout à coup et du gouffre béant s'élancèrent quatre chevaux blancs, emportant dans leur course rapide un carrosse étincelant. Ils se dirigèrent vers le château et ne s'arrêtèrent que dans la cour d'honneur ; du char descendit alors un beau gentilhomme tout habillé d'or. Il demanda le seigneur du lieu. Celui-ci quitta sa compagnie, mais ce fut pour toujours. A peine eut-il pris place auprès du gentilhomme inconnu, dans le superbe carrosse, que les chevaux reprirent leur élan. Le tertre s'entr'ouvrit de nouveau pour les laisser passer et se referma sur eux pour toujours. Le diable avait entendu le souhait du comte en colère ; il venait d'emporter sa victime.

         Nul ne sait ce que devinrent les convives ; reprirent-ils, effrayés, le chemin de leurs manoirs, ou bien la salle du festin devint-elle leur tombeau ? La légende ne le dit pas. Mais le riant château fut abandonné et devint avec le temps une triste ruine. Nul n'osait en approcher. Chaque nuit on y entendait des rires, des plaintes et des pleurs.

         On raconte qu'un jour une brebis blanche qui passait aux environs, s'aventura dans le vieux château ; elle était toute noire à son retour et sa laine grillée portait l'empreinte d'une main de feu. C'était la main du diable.

         D'ailleurs le vieux château est maintenant tout à lui. Les cris qu'on y entend la nuit sont ceux des victimes qu'il y tourmente ; les plaintes sont celles de l'ancien seigneur qui gémit sur son serment, et qui demande en vain un peu de pitié au maître cruel qui l'emporta.

         Non, vous dira le paysan, ces bruits que vous entendez, ce ne sont pas les cris des oiseaux de nuit, mais bien les accents des morts. Ce n'est pas le vent qui siffle dans ces ruines, c'est une âme qui pleure. N'allez pas croire que ce bruit sec soit le choc des arbres qu'agite la tempête, c'est le rire strident du diable, car il est là chez lui. Malheur à l'homme qui oserait, non pas établir sa demeure, mais seulement se réfugier un instant dans cet endroit maudit. » [3]  

     

     Sources :

     

    [1] Extrait de Le département de l'Orne archéologique et pittoresque par Léon de La Sicotière - Beuzelin, 1845 - 304 pages https://books.google.fr/books?id=AX60J1ME6d4C&pg=PA149&lpg=PA149&ots=WSDiDKQp_F&focus=viewport&dq=ch%C3%A2teau+de+Jumilly+Orne&hl=fr&output=text#c_top

     [2] Extrait de Charles Nobis. Le Pays Bas-normand : société historique, archéologique, littéraire, artistique et scientifique ; Éditeur : Le Pays Bas-Normand (Flers) ; date d'édition : 1909-01 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5721812h/texteBrut

    [3] Extrait de Le Pays Bas-Normand - Troisième année - N° 2 - Avril-Mai-Juin 1910 http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2014/10/10/30742711.html

     

    Bonnes pages :

     

    http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2014/10/10/30742711.html

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5721812h/texteBrut

    https://books.google.fr/books?id=AX60J1ME6d4C&pg=PA149&lpg=PA149&dq=Ch%C3%A2teau+de+Jumilly+Orne&source=bl&ots=WTucvHLrXE&sig=zyaOuS81rhwsxcstuMouHs74VTY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjG6IzkyODVAhVHKcAKHW0DCMsQ6AEIUDAG#v=onepage&q=Ch%C3%A2teau%20de%20Jumilly%20Orne&f=false

    http://www.normandythenandnow.com/the-devil-and-chateau-de-jumilly/

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