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LES REMPARTS DE HONFLEUR (Calvados)
Une implantation humaine est supposée dans la région de Honfleur, à l’embouchure de la Seine, dès l’époque gallo-romaine. Jules César dans sa « Guerre des Gaules », nous parle d’un « portus niger », port noir. Le développement de la ville et du port coïncide avec les invasions scandinaves et l’installation des Normands (les Vikings) à partir du 9e siècle.
«Honnefleu», ancien nom de la ville, puise son origine dans la langue nordique. Les étymologistes en ont fait diverses interprétations, le mot «HONNA», était probablement un patronyme, alors que le terme «FLOW» qui signifiait anse, crique ou petit estuaire en norois, a évolué pour devenir «FLEU», puis «FLEUR» (comme dans les noms de communes peu éloignées : Barfleur, Harfleur...).
Honfleur est une ville ancienne que les documents mentionnent dès le 11e siècle. Elle figure alors parmi les importantes bourgades du Duché de Normandie. Sa situation géographique privilégiée lui confère, de nombreux avantages lui permettant, dès le 12e siècle, d’acquérir une place importante dans le contexte de la construction de l’État normand.
Ci-dessus, plan de Jacques Gomboust, conservé au musée de la Marine, représentant Honfleur jusqu'aux aménagements de Colbert en 1670.
Havre d’échouage apprécié à l’embouchure d’un petit cours d’eau côtier, Honfleur bénéficie, en effet, de conditions nautiques d’accès favorables et d’une position d’abri par rapport aux vents, qui lui permettent de développer son activité de port de marchandises avec l’Angleterre, notamment. Dès lors, l’importance de la ville ne cesse de croître puisqu’à l’aube du 14e siècle, la cité compte déjà trois paroisses. Cette situation de port d’estuaire et de port de mer a déterminé la double vocation du port de Honfleur : la défense du fleuve royal et le départ des grandes aventures sur la mer océane.
Gravure ci-dessus montrant la Lieutenance par C. Stanfield et R. Wallis, 1834.
Le temps des guerres
La grande période militaire de Honfleur s’ouvre, au 14e siècle, avec la guerre de Cent Ans, durant laquelle elle joue un rôle prédominant. Honfleur est occupée par les anglais dès le début du conflit, puis de 1357 à 1361 et d’août 1365 à janvier 1366. En raison de la position stratégique de la ville et de ses faibles moyens de défense, le roi Charles V décide d’en faire un bastion défensif contre les envahisseurs anglais : il fait effectuer de grands travaux de fortification. La forteresse joue alors un rôle défensif de la Normandie, à l’entrée de la Seine face à celle de Harfleur. Durant cette période, le port sert de base de départ à plusieurs expéditions militaires en Angleterre.
Ci-dessus : la Lieutenance
Malgré un renforcement des fortifications, Honfleur tombe à nouveau aux mains des anglais en 1419 et devra attendre 32 ans avant de revenir à la France, grâce à la victoire de Dunois. La reconstruction se déroule dans un contexte d’expansion démographique et économique. La prospérité de la ville à la fin du 15e siècle se nourrit non seulement de la bonne conjoncture économique générale mais aussi de l’envasement de Harfleur qui abandonne à Honfleur la fonction d’avant port de Rouen, avant la fondation du port du Havre par François Ier en 1517.
Plan hypothétique des remparts de Honfleur ; blason par I, Jimmy44, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2566315 ; à droite tentative de plan (à améliorer...)
LA CITE MÉDIÉVALE
De nos jours il ne subsiste que peu d’éléments de l’ancienne forteresse militaire médiévale. Le quartier de l’Enclos, dont le nom évoque bien la fonction, correspond à l’ancienne zone fortifiée. Ce quartier central était donc entouré de remparts jusqu’à la fin du 17e siècle.
On retrouve encore aujourd’hui le tracé médiéval : la rue de la Ville, ancien chemin du Roi, et rue principale de la ville forte, entourée d’un dédale de ruelles étroites ; le Cours des Fossés où passaient jadis les fortifications. Dernier vestige encore visible, à l’extrémité du Vieux Bassin, la Lieutenance. Véritable témoin de l’histoire de la cité, un document la mentionnerait dès le 11e siècle, sous le règne de Richard III, duc de Normandie, alors que Honfleur n’était pas encore cité fortifiée. Au Moyen Age, la Lieutenance représentait l’une des deux entrées de la forteresse honfleuraise.
Il y avait, d’après un plan de 1662, deux portes qui donnaient accès à la ville : la porte de Rouen, disparue vers 1682, sur ordonnance de Colbert, et la porte de Caen, l’actuelle Lieutenance. Le nom de Lieutenance lui fut ainsi donné car, de 1684 à la Révolution, les bâtiments qui surmontent la fortification servaient de logement au lieutenant du roi. La voûte servait de passage ; des chaînes et des leviers formaient un pont-levis qui permettait de traverser le fossé ouest. La Lieutenance était, alors, un bastion d’angle dont la partie nord a été détruite et remplacée par le quai actuel. Au sud et à l’est du bastion, les traces d’arrachement des anciens remparts qui entouraient la ville forte sont encore visibles.
Photo ci-dessus montrant l'emplacement du rempart aboutissant à la Lieutenance. Photo extraite du site : http://www.cote-fleurie.fr/la-lieutenance-de-honfleur/
A droite, plan de la ville et port d'Honfleur par Deherme extrait du site http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53010728k.r=.langFR
Les Faubourgs
A la fin du Moyen Age, la population honfleuraise va connaître un essor important. Elle se répartit entre le bourg fortifié de l’Enclos et les deux quartiers extra muros : les faubourgs Sainte-Catherine et Saint-Léonard.
Le faubourg Sainte-Catherine, bordé par la mer correspondait au quartier des marins. Ces derniers y ont édifié dans la deuxième moitié du 15e siècle, l’étonnante église Sainte-Catherine. Elle est construite tout en bois et remplace une ancienne église de pierre détruite pendant la guerre de Cent Ans. (...)
Le second faubourg, Saint-Léonard, tourné lui vers la campagne du Pays d’Auge, abrite l’église du même nom. Détruite également pendant la guerre de Cent Ans, elle fut rebâtie à la fin du 15e et au début du 16e siècle. (...)
Le Temps des épopées maritimes
A l’issue de la Guerre de Cent Ans, la ville relevée de ses ruines, la glorieuse histoire maritime de Honfleur peut débuter. Aux 16e et 17e siècles, Honfleur participe, en effet, activement aux voyages de découverte entrepris. Si les armateurs honfleurais ne sont pas nécessairement à l’origine de ces expéditions maritimes, leurs moyens financiers étant trop modestes, le port de Honfleur offre de nombreux avantages permettant l’organisation de ces entreprises maritimes : un arrière pays très riche qui facilite l’avitaillement des navires, des greniers à sel régulièrement approvisionnés, des chantiers de construction et de réparation navale et surtout une pépinière de marins expérimentés, formés à la dure école de la pêche hauturière et même lointaine, celle de la morue sur les bancs de Terre-Neuve et à l’embouchure du Saint-Laurent.
A droite, plan de la ville et du port de Honfleur par Jacques-Nicolas Bellin (1703-1772) extrait du site http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8591857n.r= Il montre l’état des fortifications de « l’Enclos » dans les années 1670-1690, c'est-à-dire entre la construction des deux premiers greniers à sel de la ville et du troisième. Il nous restitue donc l’état des fortifications à la fin du 16e siècle car il n’y a pas eu de modifications entre le règne de Henri IV et la démolition des remparts au sud de la ville, au moment de l’agrandissement du vieux bassin à la fin du 17e siècle.
Aux 17e et 18e siècles, le port intensifie son activité commerciale vers le Canada, les Antilles, les côtes africaines et les Açores. Pour faire face à cet essor, à la fin du 17e siècle le Vieux Bassin est construit. Pendant toute cette période, Honfleur est un centre très actif de pilotes, d’armateurs, de négociants et même de corsaires. Par le traité de Paris qui mit fin à la guerre de Sept ans, la France perd le Canada : l’activité du port s’en ressent. Le commerce avec les Antilles s’amplifie alors, Honfleur est, au 18e siècle, le cinquième port négrier de France. Les guerres de la Révolution et de l’Empire ruinèrent presque complètement le port.
La paix revenue, l’essor commercial reprit avec, dans la première moitié du 19e siècle, l’importation du bois du Nord, activité encore florissante aujourd’hui à laquelle s’est adjointe l’importation de bois exotiques. (...)
Les grands travaux de Colbert
Colbert incarne les ambitions maritimes de la monarchie qui s’inscrivent dans la logique de son grand programme mercantiliste et se traduisent à Honfleur, par la démolition des remparts à partir de 1670, la transformation du havre d’échouage en bassin à flots (actuel Vieux Bassin achevé en 1690), et la construction des Greniers à Sel. Cette campagne de travaux symbolise le début d’une ère nouvelle pour Honfleur.
Le Vieux Bassin fut créé, sur les instances d’Abraham Duquesne, et par ordre de Colbert, en 1681, en remplacement de l’ancien havre d’échouage ou «havre du dedans», qui était beaucoup plus étroit et se situait à l’intérieur des fortifications ce qui nécessita la destruction de la partie ouest des remparts. C’est l’actuel port de plaisance de Honfleur. D’un côté du Vieux Bassin, sur le Quai Sainte-Catherine, toute une série de hautes maisons forme une originale toile de fond. Ces maisons, serrées les unes contre les autres, de tailles différentes, présentent cette particularité d’avoir leurs étages supérieurs donnant à l’arrière sur les rues du Dauphin et des Logettes, de sorte qu’elles ont presque toutes deux propriétaires différents. La plupart datent des 17e et 18e siècles ; certaines sont en encorbellement et beaucoup sont essentées d’ardoises. Du côté de la Lieutenance subsistent des maisons plus anciennes du 16e siècle.(...) [1]
Sources :
[1] Extrait de http://www.ot-honfleur.fr/wp-content/uploads/2014/03/DP-OT-Honfleur.pdf
Ci-dessus : Joseph Morlent : Album du voyage au Havre et aux environs.- [Le Havre] : Impr. Alph. Lemale, [1841], - 37 p.- [16] vignettes sur acier ; 17 cm. (Texte extrait de la Normandie Pittoresque). http://www.bmlisieux.com/normandie/havre01.htm
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