-
LES REMPARTS DE COUTANCES ( Manche)
Après avoir évoqué précédemment les remparts d'Avranches puis ceux de Bayeux, Évreux, Lisieux, Rouen et Sées, voici enfin un article sur les remparts du septième des évêchés de Normandie sous l'ancien régime*, ceux de la cité épiscopale de Coutances qui ont été édifiés puis détruits au cours des 14e et 15e siècles.
[* Aujourd'hui il n'existe plus que 5 sièges d'évêchés en Normandie, soit un par département : Rouen, Évreux, Bayeux-Lisieux, Coutances et Sées (Séez).]
Un grand merci à Mme Françoise Laty, animatrice de l'architecture et du patrimoine, directrice du Pays d'art et d'histoire du Coutançais qui m'a communiqué de précieuses informations. [NdB]
« Chef-lieu du peuple celte des Unelles, la ville de Cosedia prit le nom de Constantia en 298 sous Constance Chlore qui l'aurait fait fortifier vers 305-306. La région de Constantia, connue sous le nom de pagus Constantinus, est devenue le Cotentin. Son premier évêque fut saint Éreptiole.
La ville est détruite par les Vikings en 866 et il faut attendre le 11e siècle et l'arrivée de l'évêque Geoffroy de Montbray, compagnon de Guillaume le Conquérant, pour la voir véritablement renaître, avec une nouvelle cathédrale et des fondations de communautés religieuses. » [1]
Les fortifications de Coutances :
« A la fin du 11e siècle/début du 12e siècle, une tour est construite sur ordre du futur Henri Ier Beauclerc. La tour est cité dans les sources jusqu'au 15e siècle, sous le nom de turris ou castrum. Le comte en est Étienne de Blois. Des sources situent cette tour (Tour Le Comte) au croisement actuel de la place Georges Leclerc, de la rue Quesnel-Canveaux et de la rue Daniel. Cependant, les vestiges dans la voirie et la toponymie situeraient la tour plutôt entre la rue Quesnel-Morinière et l'église Saint-Pierre, près de l'actuelle rue de la Tour-Morin, où se situait au 18e siècle une « Tour au Comte », près d'un « Fort Morin » et d'un « Clos Le Comte ». L'espace de la place Georges Leclerc correspondrait plutôt à l'ancienne place publique mentionnée dans les sources médiévales (Marie Casset, « Essai de topographie urbaine : « Le quartier canonial au Moyen-Âge » in La cathédrale de Coutances..., 2012, op.cit., p77-86.) » […]
« Du milieu du 14e siècle au milieu du 15e siècle, Coutances est touchée par la guerre de Cent Ans et les crises de l'époque (peste, famines). La construction d'un rempart dans la seconde moitié du 14e siècle laisse Saint-Pierre à l'extérieur : l'église sera quasiment entièrement dévastée ; Saint-Nicolas est endommagée à plusieurs reprises et doit être réparée » […] [2]
Plan hypothétique de l'enceinte médiévale de Coutances ; Blason par Aroche Cette image a été réalisée pour le Projet Blasons de la Wikipédia francophone — Travail personnel iLe code de ce fichier SVG est valide.Cette image vectorielle a été créée avec Inkscape par Aroche., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2811896
« Geoffroi d'Harcourt avait donné son château de Saint-Sauveur-le-Vicomte aux Anglais, qui détruisirent bientôt l'abbaye, dont le voisinage les incommodait, et qui allèrent incendier celle de Lessay, le 11 juin 1356. Quelques années plus tard, celle de Saint-Sever fut changée en une caserne, par Charles-le-Mauvais, roi de Navarre. Le sol du diocèse était couvert des troupes de trois peuples ennemis : les Français, les Anglais et les Navarrais ; les habitants étaient divisés, de sorte que la guerre civile et la guerre étrangère étaient flagrantes tout à la fois. En temps de guerre, il était dévasté par les uns ou par les autres, suivant la chance des combats ; en temps de trêve, il l'était par les uns et les autres, parce qu'ils y étaient tous en qualité d'étrangers ; en tout temps , il était désolé par ses propres citoyens, qui cherchaient à se détruire les uns les autres. Dans cette fatale collision, les églises et les monastères ne furent nullement épargnés ; de sorte que l'on ne voyait partout que la misère et des ruines. Cependant, la cathédrale évita le pillage, à l'abri des remparts qu'y avait élevés Robert d'Harcourt. Il est vrai qu'en l'an 1356 elle fut assiégée dans les formes par Geoffroi d'Harcourt, mais ce fut inutilement. S'étant trouvé forcé de lever le siège pour aller au-devant d'un corps de troupes, envoyé par le régent de France au secours de la ville, il le fit avec tant de précipitation qu'il laissa une partie de ses machines de siège sur le lieu même, comptant peut-être revenir aussitôt s'en servir de nouveau ; mais il perdit la bataille et la vie. On conserva longtemps dans la cathédrale une de ces machines, en mémoire de l'heureuse délivrance de cette église, qui avait déjà beaucoup souffert et qui était près de présenter une brèche aux assiégeants. » [3]
« Après le siège de la ville par Geoffroy d'Harcourt en 1356 au cours duquel la cathédrale est touchée, Charles V autorise la construction d'un rempart qui semble avoir été terminé en 1402. Ce rempart n'a eu que quelques décennies d'existence. En 1465, on comte 41 archers pour assurer sa défense. Le rempart ne comprend pas les églises paroissiales.
Les deux axes routiers principaux étant nord-sud, on suppose l'existtence de deux portes, côté Saint-Pierre et côté Saint-Nicoles, sur la Grand Rue (actuelle rue Geoffroy-de-Montbray) et d'une poterne au bas de la rue du Pertuis Trouard.
La fortification entraîne des destructions de maisons et la fermeture de voies secondaires. Des chemins sont recréés au-delà des fossés. (Michel Le Pesant).
Toponymie : rue des Douves. Tracé urbain encore bien visible dans le plan, respecté par l'urbanisme de la reconstruction : les rues d'Harcourt, Milon, du Maréchal Foch, du Lycée, Geoffroy Herbert, Quesnel-Morinière, Daniel et des Douves dessinent encore le tracé extérieur de l'ancien fossé. » (Dans la rue Daniel, en 1873, en face de la place de la Mairie, et au midi de la rue Saint-Evremont, en 1885, on a retrouvé des fondations qui faisaient suite à celle de la rue des Douves et aux débris qui existaient encore dans la Belle-Place et dans la rue Passe-Mère, sous les murs de l’évêché, où l'on voyait, dans une arcade ogivale, des murs de courtine et une citerne appelée le Puits-à-la-Vierge. Cité dans le Congrès de l'Association normande de 1886) […]
Coutances est occupée par les Anglais de 1421 à 1449. Du milieu du 14e au milieu du 15e siècle, de nombreux bâtiments ont dû disparaître, faute d'entretien. La deuxième moitié du 15e siècle voit la relance des chantiers (Saint-pierre, Augustins) et de l'économie, mais également la destruction des remparts [...] :
De 1418 à 1449 : occupation anglaise. Il y aurait eu un fortin dans le parc des évêques.
En 1469 : destruction des remparts sur ordre de Louis XI, car la ville s'était alliée à la Ligue du Bien Public. A l'Est de la cathédrale, le clergé récupère les terrains en dessous de l'escarpement ; à l'Ouest, le dégagement permet l'ouverture de la rue des Cohues, devenue depuis la rue Quesnel-Morinière, où vont s'aligner les hôtels particuliers de la noblesse de robe sur les terrains libérés. » [2]
« Louis XI ayant résolu de mettre la royauté hors de page, comme il le disait lui-même, et de porter des coups décisifs au régime féodal qui tenait les rois en tutelle, se vit tout-à-coup attaqué par plusieurs grands vassaux de la couronne qui, pour flatter la multitude colorèrent leur sédition et leur révolte du nom de Ligue du bien public. Charles de France, son frère, duc de Berry, et François, duc de Bretagne, arrivèrent en Normandie. Plusieurs villes se déclarèrent pour le duc de Berry. Coutances abandonna la cause de son roi, et reçut dans ses murs le duc de Bretagne. Ce fut par une petite porte ou poterne, qui donnait entrée dans l'enclos de l'évêché, qu'on dut introduire les troupes de la ligue (Masseville, T.4, p. 267, Demons, Hist. Mss. Sur Coutances, p.23). Louis XI se rendit à Rouen où il traita de rebelles les villes qui s'étaient rendues à son frère. Il fit raser les fortifications, les tours et les murs qui défendaient Coutances, afin de la punir de l'assistance qu'elle avait donnée au duc de Bretagne qui suivait le parti du duc de Berry dans sa rébellion contre la royauté. Ces fortifications et ces remparts qu'on détruisit suivaient la direction des rues Nieulen, Milon, Passemaire, Filanderie, au Grand et des Cohues. Ainsi Coutances, dès l'année 1465, cessa d'être une place de sûreté. Restée sans murailles, mais aussi sans ennemis, elle put jouir de plusieurs années de repos... » [4]
La ville ne possède plus alors de fortifications pour se protéger.
« Pendant les guerres de religion, en 1562, la cathédrale est pillée par les Huguenots. Ils capturent l'évêque Arthus de Cossé et l'obligent, à Saint-Lô, à parcourir la ville à l'envers sur un âne mitré, la queue de l'animal entre les mains. » [1]
Quelques dates :
866 Les Normands assiègent la ville qui, prise, est mise à sac. L'église est incendiée.
1030 Construction de la cathédrale romane.
1141 Geoffroy IV Plantagenêt s'empare de la ville.
1177 Siège de Coutances par Foulques, comte d'Anjou ; la ville sera reprise par Henri Ier d'Angleterre.
1218 Début de la construction de la cathédrale gothique.
1293 Robert d'Harcourt obtient de Philippe IV le Bel l'autorisation d'enclore la cathédrale et le manoir épiscopal.
1364 Construction des murailles qui vont ceinturer pendant un siècle le centre de la cité.
1378 Coutances assiégée est prise par les troupes de Charles V.
1417 Occupation anglaise.
1419 Exécution de 12 Coutançais ayant résisté à l'occupant anglais.
1449 La ville est reprise aux Anglais par le comte de Richemont et le duc de Bretagne.
1468 Coutances ouvre ses portes au duc de Bretagne en guerre avec le roi de France. En représailles, Louis XI fait raser les murailles de la ville.
1561 Sac de Coutances par le Huguenots de Montgomery.
1562 L'église Saint-Nicolas est incendiée lors des guerres de religion.
1563 Colombières met Coutances à sac. [5]
« COUTANCES AU MOYEN AGE
La ville fut certainement fortifiée avant le 14e siècle, mais l'entretien des murs rapidement abandonné, et ce n'est qu'en 1364 que la cité s'entoura de solides murailles défendues par des bastilles. Au sud, ainsi qu'à l'ouest et à l'est, des murailles et des fossés à sec défendaient Coutances ; au nord, une défense en barbacane et des fossés pleins d'eau compensaient le manque d'escarpements naturels. A l'intérieur de la cité, peu de rues et places. Une rue principale traversait la ville, « la Grande-Rue », (actuelles rues Saint-Nicolas, Tancrède et une partie de la rue Geoffroy-de-Montbray), quelques autres rues et places qui devaient leurs noms aux marchés et foires qui s'y tenaient, la « rue au marché au Fer », la « rue au marché au bled », place de « la foire aux reliques ». L'évêché était fortifié et portait le nom de château ; l'église Saint-Nicolas était appuyée contre la muraille nord. Saint-Pierre était hors les murs. La ville était entourée de faubourgs, les plus importants étant sans doute Saint-Nicolas et le Pont-de-Soulles, qui avait comme principal édifice l'hôtel Dieu. Les actuelles rues du Lycée, du Maréchal-Foch, Milon, d'Harcourt, Saint-Dominique, Quesnel-Morinière et Geoffroy-Herbert sont les anciens fossés de Coutances et dessinent donc assez bien l'ancien tracé des murailles.
COUTANCES AU 16e SIÈCLE
Détruites par ordre de Louis XI, les fortifications n'existent plus ; les fossés comblés sont devenus de nouvelles rues, dont certaines rappellent le temps de la ville fortifiée, la rue des Douves par exemple. La ville s'étend alors sur une longueur de 4 km, sur 1 km de largeur. C'est la principale ville du bailliage du « Costentin ». Au bas de la ville, à l'ouest, on distingue plusieurs « piliers », c'est l'aqueduc qui amène l'eau jusqu'au milieu de la cité. Le commerce est alors fort actif, les foires nombreuses. De nombreux monuments, pour la plupart religieux, parsèment la ville ; la cathédrale, vieille déjà de deux siècles, « l'une des plus somptueuses et magnifiques églises qui se puissent voir en toute l'Europe ». L'église Saint-Nicolas, l'église Saint-Pierre tout juste achevée. Un monastère abritait les Jacobins ou frères prêcheurs (l'actuel séminaire). » [5]
Sources :
[1] Extrait de Wikipédia
[2] Extrait d'un document établi par Françoise Laty, animatrice de l'architecture et du patrimoine, directrice du Pays d'art et d'histoire du Coutançais, 2013-2014-2015.
[3] Extrait de l'Histoire des évêques de Coutances depuis la fondation de l'évêché jusqu'à nos jours par Auguste Lecanu, 1839, page 218.
[4] Extrait de l'Essai historique sur Coutances par M. Jean-Michel Renault ; Éditeur-imprimerie de Élie fils (Saint-Lô), 1847, P.28-29
[5] Extrait de Coutances, histoire et description, de René Le Texier, OCEP 1973.
Bonnes pages :
O Mémoire sur les anciens château de la Manche par Charles de Gerville - arrondissement de Coutances, in Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1825 ; p. 183-436 Soit https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2000414/f233.item ou soit : http://rempartsdenormandie2.eklablog.com/anciens-chateaux-de-la-manche-par-gerville-arr-coutances-2-a212348651
Présentation de Coutances en drone : https://www.youtube.com/watch?v=8r57HFbJBwQ :
-
Commentaires