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LES REMPARTS DE BERNAY (Eure)
Peu d'informations concernent les remparts de Bernay. L'enceinte médiévale de cette ville ne formait pas une ligne continue de remparts. Au nord et au sud, la cité était défendu par des fossés larges et profonds, en particulier vers le Mont Milon qui surplombe la ville au nord. A l'est, la Charentonne fermait l'espace et le marécage formé par la rivière du Cosnier protégeait naturellement la ville à l'ouest. Cette enceinte incomplète possédait cinq portes. [NdB]
Tous mes remerciements à M Jean-Luc Montaggioni, président de l'Association LES AMIS DE BERNAY, Société historique et archéologique fondée en 1967, qui m'a très aimablement transmis une copie du plan établi par A. Goujon en 1875. Origine du document original : Centre Culturel Multimédia - 27300 Bernay. [NdB]
« Entre 996 et 1008, le duc de Normandie, Richard II, offre cette région en douaire à son épouse, Judith de Bretagne, qui fonde aussitôt une abbaye bénédictine : l'abbaye Notre-Dame. Les moines aménagent le site par des travaux hydrauliques importants : assainissement, moulins, pêcheries… et la construction d'une abbatiale qui reste un joyau de l'architecture romane normande. Pour couvrir les frais et assurer leur défense, ils cèdent une partie de leur propriété en 1048.
L'activité commerciale attestée dès 1198 prend son essor sur l'axe principal de la ville, actuellement rue Thiers. L'industrie du drap est réputée, les foires sont nombreuses (la Foire Fleurie au moment des Rameaux en est un souvenir), en raison de la diversité et de l'abondance des produits agricoles de la région. Bernay devient d'ailleurs un grand marché chaque samedi.
En 1231, Louis IX de France (« Saint Louis ») tient dans la ville des Assises de Justice et y fonde en 1250 un Hôtel Dieu en reconnaissance de l'accueil empressé que lui a réservé la population. Cet Hôtel Dieu possède une entrée rue Thiers et s'étend jusqu'à la rue de la Geôle. À la mort de Pierre Ier d'Alençon, Bernay est incorporé au Comté d'Évreux et donné par Philippe le Bel à son frère Louis de France en 1281.
La vénération de Notre-Dame de la Couture dès le 13e siècle, est à l'origine de pèlerinages importants qui attirent les foules de toute la Normandie ; le pèlerinage marial diocésain a toujours lieu chaque lundi de Pentecôte.
La ville a connu de nombreuses périodes troubles, notamment durant la guerre de Cent Ans. Bernay changea plusieurs fois de mains pendant le conflit. En 1354, à la suite du traité de Mantes, la ville fut cédée par le roi Jean II le Bon à son gendre le roi Charles II de Navarre, avec de nombreuses autres terres normandes. Mais les deux hommes entrèrent rapidement en conflit. En avril 1356, Bernay fut reprise aux Navarrais après l'arrestation de Charles II, avant de lui être restituée en 1358. Le 19 avril 1378, après un court siège, la forteresse fut prise par Bertrand Du Guesclin contre la promesse faite à son capitaine, Pierre du Tertre d'intercéder en sa faveur auprès du roi de France Charles V. Dans la tour de la forteresse de Bernay, les Français s'emparèrent d'archives secrètes du roi de Navarre qui n'avaient pas été brûlées et qui mirent au jour de nombreuses alliances et complots de Charles II, avec les Anglais notamment. La forteresse fut détruite peu après. Bernay fut un temps restituée au fils de Charles II de Navarre, avant d'être confisquée par le roi Charles VI en 1385.
Par la suite, la ville passa aux mains des Anglais avant d'être reprise par les troupes royales.
Si, aujourd’hui, il y a environ 11 000 habitants dans la ville, Bernay comptait, au 16e siècle, une population « aussi importante qu’à Évreux ou à Lisieux ». Ce sont les guerres de religion, puis la révolte populaire des Gauthiers (du nom du village de La Chapelle-Gauthier) en 1589, contre les taxes, qui « mettent un terme à la quiétude de la ville ». [1] Extrait de Wikipédia.
Plan de Bernay ci-dessus établi d'après celui du livre de A. Goujon Histoire de Bernay et de son canton touchant à l'histoire générale de la Normandie : plan de Bernay au 17ème siècle. Blason par I, Koro, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2535705
Texte de A. Goujon, 1875 :
« De la configuration de la ville, résultat de la topographie du terrain, découle naturellement le système d'enceinte fortifiée qui protégea la ville au XVIe siècle et que l'on peut reconstruire par la pensée, à l'inspection de quelques restes de fortifications et par les anciennes dénominations de : porte de Rouen, porte de Lisieux, porte d'Orbec, porte des Champs, porte de la Grosse-Tour ou de Paris. Ces portes remontaient au règne de Charles VI.
Ainsi, à la porte de Lisieux, derrière le mur d'octroi, existe encore un grand fossé de 30 pieds de large sur 12 de profondeur, à pentes roides, et long de 165 pieds, s'élevant vers l'arête des monts ; à mi-côte et formant angle droit avec ce fossé, s'en trouve un autre contigu, mais dont le fond est plus élevé de 6 pieds, qui se prolonge, avec parapet intérieur, parallèlement à la crête des monts, sur une longueur de 135 pieds, largeur 30 pieds, profondeur 6 pieds. La contrescarpe, pratiquée dans le talus naturel des monts, est droite, ainsi que l'escarpe. La contrescarpe a 9 pieds ; l'escarpe, qui n'est autre que le talus extérieur du parapet, a 6 pieds. Le parapet en terre et cailloux a 24 pieds d'épaisseur, et son talus intérieur, droit comme son talus extérieur, a 5 pieds ; conséquemment le parapet forme une plongée légèrement inclinée vers l'intérieur. Ce parapet se termine brusquement aujourd'hui, coupé perpendiculairement par une ruelle qui monte vers l'extérieur ; donc, il devait se prolonger au-delà de la ruelle, sur l'emplacement d'une propriété qui semble construite sur son déblaiement. Mais, au-delà de cette propriété, la pente des monts est tellement roide et uniforme* jusqu'à la rue des Sources, prolongée par la rue des Manufactures, qu'il est impossible d'admettre qu'il y ait jamais eu d'autres terres et dans un état différent ; donc le parapet de la porte de Lisieux devait être prolongé, en guise de clôture et de muraille, par une coupe à pied droit, pratiquée dans le talus naturel, sur remplacement des murs de clôture d'aujourd'hui, et jusqu'au haut de l'escalier en pierres qui descend à la porte de Rouen. Du haut de l'escalier à la porte de Rouen un mur en cailloux servait d'enceinte et avait pour défense l'escarpement du terrain pratiqué au dessous.
*« La ville de Bernay est d'un côté environnée et entourée d'une haute côte et montagne nommée les Monts-Saint-Michel, qui est côte fort roide et droite et quasi inaccessible à monter, qui a été commencée à dresser par les habitants et coupée à pied droit pour servir de clôture et en lieu de muraille, en tel état que l'on ne pourrait entrer dans la ville par ledit côté. Et d'autre côté, devers l'église de la Couture, il y a commencement de grands fossés et remparts de vingt-cinq pieds de large environ dudit côté, qui pourrait être de longueur de cent cinquante espaces, et le reste dudit côté sont prairies et rivières, et aux deux bouts semblablement avec quelques terres labourables. » (Procès-verbal du 6 avril 1544, sous François ler, LS Prevost.)
De la porte de Rouen, l'enceinte se continuait par un fossé avec rempart jusqu'à la rencontre de la Charentonne. L'enceinte, trouvant alors la rivière, s'en servait comme de fossé naturel jusqu'à la grosse tour du moulin, que l'on voyait encore il y a quarante ans, et qui s'élevait sur l'emplacement du pont d'aujourd'hui.
A partir de la grosse tour l'enceinte, formée par la muraille de l'abbaye, continuait à remonter la Charentonne jusque derrière l'emplacement occupé aujourd'hui par la maison Turquetin, se redressait ensuite au sud, couverte par un grand fossé de 25 à 30 pieds de large, sur 15 pieds de profondeur environ, et se prolongeait par le couvent des cordeliers jusqu'à la rue conduisant à la Couture.
« Tout d'un côté il y a une haute montagne, laquelle est taillée en partie à pied droit. De l'autre côté, la ville est close d'un grand fossé de vingt-cinq à trente pieds de large et profond de quinze pieds environ, et de long et après du couvent des cordeliers et suivamment de ladite grosse abbaye et muraille d'icelle, en laquelle il y a des tourelles et deux cours d'eau de la rivière qui passe par auprès desdites murailles. A l'un des bouts il y a un grand étang avec plusieurs marécages qui empêchent que l'on ne peut entrer audit lien de Bernay par cet endroit. A l'autre bout il y a un fossé qui prend depuis l'une desdites portes jusqu'à l'un des cours de ladite rivière passant par ledit lieu de Bernay. » (Document historique de 1547. LS Prevost.)
Du couvent des cordeliers, le fossé continuait l'enceinte en ligne droite jusqu'à l'emplacement où se trouve aujourd'hui le jardin de M. Pesnel, faisait alors un angle saillant, et de là allait en ligne droite jusqu'à la porte d'Orbec et à la rivière de Cosnier. De ce point, l'enceinte était formée par la rivière de Cosnier jusqu'au moulin de l’Étang (emplacement de l'usine de M. Jules Sèment), et, du moulin de l'Étang, par le ruisseau de l'hospice d'aujourd'hui jusqu'à la hauteur de la porte de Lisieux. A partir de ce dernier point, un fossé allait rejoindre la porte de Lisieux et le pied du parapet qui a été notre point de départ, et avec lequel il faisait un angle droit rentrant.
L'ensemble de l'enceinte formait ainsi un polygone allongé de l'ouest à l'est, dont les deux côtés ouest et est étaient droits, et les deux côtés nord et sud brisés, et consistant en mur et fossés, avec remparts naturels ou creusés par la main de l'homme et pleins d'eau.
Or, des restes de tours qui subsistent encore à la porte d'Orbec et tout près, sur le bord de la rivière de Cosnier, et des tours que notre génération a vues à la porte de Rouen et sur l'emplacement du pont des Halles, on doit en conclure logiquement l'existence de celles qui ont dû être élevées dans les mêmes conditions. Ainsi, chaque angle saillant avait sa tour, pour veiller sur le terrain extérieur. Donc, de même qu'il y avait une tour tout près de la porte d'Orbec, sur la rivière de Cosnier, de même il y en avait une tout près de la porte de Rouen, sur la Charentonne ; une à l'extrémité opposée, au haut de l'escalier en pierres de la porte de Rouen, près du cimetière actuel ; elle s'appelait tour des Carolus ; une en amont de la grosse tour, dans un léger rentrant, dont on voit encore les restes derrière la halle au poisson ; une à l'angle de l'enceinte, derrière l'emplacement Turquetin ; une à hauteur de la porte d'Orbec, une à hauteur de la porte de Lisieux. Il en existait encore trois autres, qu'un vieux plan vient de nous révéler, savoir : deux en plus sur le front de la Couture et une au-dessus de la porte de Lisieux, au saillant de 1544. Enfin, chacune des portes, avec guichet, de Rouen, de Lisieux, d'Orbec en ayant deux et les portes des Champs et de Paris une, il en résulte qu'il y en avait dix-huit sur tout le pourtour. Quelques-unes étaient carrées, toutes les autres étaient rondes. Les portes étaient toutes de bois et de 1 pied d'épaisseur.
Les murailles et les tours étaient construites en gros cailloux ; l'épaisseur, d'après certains restes, peut être portée à 3 pieds, ce qui donne à la hauteur probable des murs et des tours 18 à 20 pieds. Toutes les tours étaient couvertes d'un toit conique en tuiles, en forme de colombier. A l'inspection du fragment de tour qui subsiste encore à la porte d'Orbec, intercalé dans la maison de l'épicier du coin, le diamètre des tours devait être de 18 pieds, ce qui donne 54 pieds de circonférence ; la grosse tour avait 24 pieds de diamètre et conséquemment 72 de circonférence ; ses murs avaient 5 pieds d'épaisseur environ.
Il y avait dans l'enceinte deux forts : le Bas-Fort ou fort de l'Abbaye et la Tour. Le Bas-Fort, que nous verrons figurer pour la première fois en 1123 , devait dater de la première moitié du XIe siècle. En effet, l'abbaye de Bernay, comme toutes celles du moyen âge, possédant biens et richesses, avait à se défendre contre l'ambition des seigneurs ses voisins et contre les pillards ; elle avait donc dû compléter ses constructions par l'érection d'une forteresse. Le fort de l'Abbaye, ou Bas-Fort, occupait l'emplacement de la place de l'Abbatiale d'aujourd'hui, entre l'église et la Charentonne ; la grosse tour en faisait partie, ainsi que celle en amont, dont on voit les restes, derrière la halle au poisson.
La tour s'élevait sur la limite occidentale de l'enceinte de l'abbaye, « joignant la terre et les édifices des cordeliers » (Lettre de Charles VI au vicomte de Pont-Authou, en date du 4 mai 1396). Elle avait été bâtie, vers 1349, par Charles le Mauvais, roi de Navarre ; elle était entourée de larges fossés.
En résumé, l'enceinte de Bernay était couverte et défendue à cette époque : sur le côté nord, en amont, par un grand étang et des marécages, compris entre la colline de l'hospice d'aujourd'hui et le cours de Cosnier, qui ne permettaient pas qu'on pût entrer par cet endroit ; en aval, par l'escarpe pratiquée au pied des monts dans leur talus naturel ; sur le côté sud, en amont, par le grand fossé, avec rempart, qui descendait en ligne droite jusqu'au couvent des cordeliers et du couvent des cordeliers à la Charentonne, en longeant les murailles des deux couvents ; en aval , par les deux bras de la Charentonne et la prairie intermédiaire ; enfin, sur les deux petits côtés est et ouest, par un fossé avec rempart.
Le parapet en terre et l'escarpe pratiquée en contrebas des monts, et qui conséquemment étaient vus et plongés de l'extérieur, seraient une construction absurde aujourd'hui ; mais en se reportant à l'époque de leur création, on s'explique leur tracé, l'intention et le but des habitants ayant été plutôt de se garantir de l'attaque des pillards et des maraudeurs que de résister à un ennemi sérieux. Cependant nous verrons Bernay, assiégé plusieurs fois, toujours résister avec courage et énergie, et quelquefois avec succès. » [2]
Sources :
[1] Extrait de Wikipédia.
[2] Extrait de l'Histoire de Bernay et de son canton touchant à l'histoire générale de la Normandie par A. Goujon ; 1875 ; pages 29 à 35.
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