Le château disparu de la Ferrière-aux-Etangs :
« Au 11ème siècle, Guillaume de Normandie y fait bâtir une forteresse lors de sa conquête du Maine. Détruite au 13ème siècle, il n’en demeure aucune trace. Le village se développe sur cette hauteur derrière les ruines de son château. Comme dans toute la région proche, l’industrie du fer connaît un fort développement. Des étangs servent à produire l’énergie nécessaire au fonctionnement des forges installées en bas du village. (...)
Dominant le plat pays, les buttes du Château et du Mont Brulé sont deux collines de grès séparées par le ruisseau de la Morinière. Celle du Château, qui culmine à 278 m, est un haut talus qui borde le sud-ouest du bourg. En haut, des propriétés privées et leurs jardins occupent l’espace tandis que la pente est couverte d’un bois dense, quasi impénétrable. Un sentier étroit permet de descendre jusqu’à la départementale 225 B pour rejoindre l’étang. Quelques vieux pans de murs se devinent encore dans la végétation. En bas, les ruines d’un moulin sont enfouies sous les arbres. En face, le Mont Brulé culmine à 307 m d’altitude. Cette éminence boisée domine l’étang, espace de loisirs et de détente. » [1]
Plan supposé (et provisoire) de la situation du château de la Ferrière-aux-Etangs ; blason de la Ferrière-aux-Etangs par Chatsam — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41174322
« La Ferrière-aux-Etangs (Orne). Le Château (Coord. Lambert : 1110,8 x 398,75).
En l'absence de ruines visibles, l'existence d'une fortification médiévale sur la butte dominant le bourg de La Ferrière-aux-Étangs n'était plus attestée que par la tradition orale persistante appelant « château » un emplacement qui n'était même pas cadastré ainsi.
Une recherche historique a précédé l'ouverture du chantier, prouvant qu'il y avait eu là une seigneurie importante sous mouvance de Domfront. Le site fortifié occupe une butte de grès escarpée dominant le ruisseau de la Morinière et entourée par la forêt seigneuriale de la « Haie de La Ferrière » qui jouxte la forêt d'Andaine. Dans l'état actuel des recherches, on peut penser que cette seigneurie a été édifiée par Guillaume de Normandie lors de sa conquête du Maine (1052), une partie de ses fiefs s'avançant jusque dans la Mayenne.
Ci-dessus, une photo aérienne extraite du site Géoportail.
Le terrain de la butte du château ayant servi d'exploitation agricole, puis de jardin potager depuis deux siècles, a été très remanié, aplani et remblayé. La fouille est donc difficile et la stratigraphie souvent bouleversée. Après des sondages infructueux dans le remblaiement sud de la butte à la Pentecôte 1982, nous avons mis au jour durant l'été de la même année le début d'une base de mur et une couche noire contenant des tessons de céramique grossière, des fers de flèches, un dé à jouer, des os et des dents de gros gibier. Poursuivie depuis 1983, la fouille du château fait partie d'une fouille programmée. Deux bases de mur de 6 m de long et 1 m de large ayant été dégagées et se coupant à angle droit, nous espérions mettre au jour un bâtiment en 1985. Les intempéries de l'été avaient entravé les travaux.
La campagne 1986 a été très fructueuse. Nous avons dégagé les bases d'une tour quadrangulaire (6,50 m de côté) s'ouvrant au Sud par une poterne (0,90 m de large) dont l'arcade de granit était effondrée sur place. A l'intérieur de ce bâtiment une grande couche brûlée recouvrant des tessons de poterie pourrait être le reste d'un plancher calciné sur place. La trace très abîmée d'un autre mur à l'Est, accroché au flanc du rocher de grès, nous permet de dire que cette tour carrée était la partie la plus avancée de la fortification. Le rocher de grès entièrement dégagé dans ce secteur Est tombe en effet à pic sur des jardins.
Dans les éboulis du mur sud, une monnaie d'argent a été mise au jour. C'est un denier de Foulque d'Anjou. Très employée en Normandie et dans le Maine aux 11ème et 12ème s. cette monnaie fut contrebattue par Philippe-Auguste lorsqu'il reprit la Normandie au début du 13ème s. Elle permet d'avancer une date pour la destruction du château de La Ferrière. Le seigneur du lieu a dû suivre l'exemple de son suzerain de Domfront et de ses voisins (La Ferté-Macé et Briouze) et faire le « mauvais choix », c'est-à-dire rester fidèle à Jean-sans-Terre. La fortification de La Ferrière a donc pu être détruite à cette époque, voire incendiée. En tout cas il y a changement de la résidence seigneuriale, attestée au 14ème s. dans le bourg voisin de Dompierre. Le château de La Ferrière a donc été occupé aux 11ème et 12ème s., abandonné au 13ème s. La datation donnée par le denier d'Anjou est confirmée par l'ensemble des tessons de poterie mis au jour et par l'analyse au C 14 des charbons de bois trouvés dans la couche la plus profonde sous l'éboulis du mur sud (analyse faite au laboratoire des faibles radio-activités de Giff-sur-Yvette en janvier 1986).
La fouille se poursuit aussi dans le secteur Ouest où se trouvait probablement un autre bâtiment. Mais la mise en culture du terrain a bouleversé la stratigraphie, car on a dû détruire systématiquement les ruines existant encore au milieu du 17ème s. Nous avons toutefois trouvé de nombreux éboulis de grès et de granit taillé et une autre couche d'incendie.
L'ensemble des objets mis au jour à La Ferrière-aux-Étangs : tessons de poterie, objets de fer et de bronze, os et dents de gros gibier (sanglier, chevreuil et cerf) confirme l'occupation seigneuriale du lieu. La céramique mise au jour est la seule céramique domfrontaise du haut Moyen Age trouvée en place dans un habitat seigneurial. Le seigneur de La Ferrière ayant droit d'extraire de la terre à pot sur la Goulande en La Haute-Chapelle (fosses à pot qui serviront jusqu'au début du 20ème s. pour le centre potier de Ger), cette céramique est actuellement comparée à celle trouvée à Saint-Georges-du-Rouelley. Elle présente en effet un aspect identique. Or, parmi ces tessons, certains ont déjà l'aspect du grès. La datation donnée par la monnaie et l'analyse au C 14 permettront sans doute de faire reculer l'apparition du grès domfrontais au-delà du 13ème s. (Responsable de la fouille : Marie-Claire Lefèvre). » [2]
Légendes...
« Le roi Arthur, la reine Guenièvre, leurs preux chevaliers (dont Lancelot du lac), Merlin l’enchanteur et la fée Vivianne demeurent parmi les personnages les plus connus de la « matière de Bretaigne ». Depuis Robert Wace, dans son « Roman de Brut » (1155), et le « Lancelot » en prose du XIIIème siècle (attribué à Chrétien de Troyes), cent écrits évoquent leur épopée et plusieurs provinces se réclament de leurs aventures. L’auteur du « Lancelot » situe l’action de son roman « en la marche de Gaule et de petite Bretaigne ». Des chercheurs normands y ont relevé de nombreuses ndications qui semblent montrer qu’une partie des évènements se déroule dans la région du Domfrontais. En 1984, un itinéraire « Lancelot du Lac » est conçu pour découvrir les monuments et les sites liés aux romans de la Table Ronde. Sources d’inspiration des anciens écrits, certains de ces endroits sont l’objet de croyances populaires depuis la nuit des temps. Ils sont souvent devenus des lieux de cultes et de pèlerinages. Les sites ornais des Romans de la Table Ronde sont classés parmi les sites en juin 1994 (voir également les sites 61085-2, 3 et 4). « Le roi Ban de Banoïc, vassal du Roi Arthur et père de Lancelot, avait deux châteaux. L’un était une forteresse militaire, poste d’observation (voir site 61085-2), l’autre une résidence imprenable au milieu des marécages : Banvo (voir site 61085-3). Attaqué par son voisin, le roi part avec femme et enfant demander de l’aide au roi Arthur. En chemin, il arrive près d’un lac, au pied d’une hauteur qu’il gravit pour voir son château préféré. C’est alors qu’il le voit s’embraser. Trahi, le roi meurt de désespoir. Devant la détresse de la reine Elaine, la Dame du Lac (la fée Vivianne) recueille le jeune Lancelot pour l’élever dans son monde aquatique jusqu’à son adoubement à la cour du roi Arthur » [1]
A proximité :
Sur le Mont Brulé, la chapelle Saint-Clair du Brusley demeure jusqu’à la fin du 17è siècle. Des carrières y sont ouvertes, à l’ouest et surtout au sud où se trouvent les plus importantes. A la fin du 19ème siècle, le curé de La Ferrière aux Etangs, aidé par la générosité de ses paroissiens, érige un calvaire au sommet du mont. En 1925-1926, un chemin de croix est tracé sur les pentes puis, sur le flanc ouest, une réplique de la grotte de Lourdes. (...)
Une grille en fer marque le départ du chemin de croix. Des sentiers et des escaliers grimpent vers le sommet, bordés de bouquets d’hortensias, de rhododendrons et de lauriers.
Les stations du chemin de croix parsèment le flanc de la colline ombragé de chênes, de hêtres et de houx. Des blocs de grès, parfois en chaos, annoncent le calvaire. Dans une clairière, un hémicycle de thuyas et de laurier entoure une curieuse composition où le Golgotha surmonte la grotte du Sépulcre encadrée de deux tours en rocaille. Au centre, la sépulture de Pierre Adigard, député et conseiller général, trône depuis 1914. Tout autour, Les arbres masquent les vues sur la campagne et le sous-bois est un taillis dense de ronces et de hautes fougères. Un chemin en herbe traverse le bois de châtaigniers, de hêtres, de chênes et de bouleaux avant de buter sur la clôture protégeant le front de taille de la carrière. Un sentier descend vers l’ouest et la grotte de Lourdes qui s’élève sous le calvaire, parmi un chaos de roches. Il débouche dans une ancienne carrière sur la D 225. De ce côté, les arbres sont plus âgés et le sous-bois dégagé avec une pente parfois abrupte où le rocher affleure. » [1]
Sources :
[1] fiche DREAL Basse-Normandie N° 61085-1 ; date de parution : septembre 2013 http://www.donnees.normandie.developpement-durable.gouv.fr/pdf/SITES/61085f.pdf
[2] Extrait de Lefèvre Marie-Claire. La Ferrière-aux-Étangs (Orne). Le Château. In : Archéologie médiévale, tome 17, 1987. pp. 236-237 ; https://www.persee.fr/doc/arcme_0153-9337_1987_num_17_1_1197_t1_0236_0000_2
Bonnes pages :