Ci-dessus : à gauche, une vue aérienne extraite du site Google Earth ; au centre, une vue aérienne extraite du site Google Map.
L'enceinte castrale du Vieux Château à Audrieu (Calvados) :
« En face du château, de l'autre côté de la route, on reconnaît très distinctement l'ancienne motte féodale sur laquelle ont été plantés une vingtaine d'arbres. Cette motte a été fouillée naguère du côté nord, sans grand résultat. » [1]
« La fortification, actuellement connue sous le nom de Vieux-Château, est située dans le village d'Audrieu, à 20 kilomètres environ à l'ouest de Caen, et 10 kilomètres au sud-est de Bayeux. » [2]
Ci-dessus, plan de situation de l'enceinte d'Audrieu ; blason de la famille de Percy par User:Aroche Cette image a été réalisée pour le Projet Blasons du Wikipédia francophone. — Travail personneliLe code de ce fichier SVG est valide.Cette image vectorielle a été créée avec Inkscape par User:Aroche., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4502756
Concernant cette enceinte castrale d'Audrieu voici quelques éléments extraits du document établi après les fouilles effectuées au début des années 1970 : « L'enceinte fortifiée d'Audrieu (Calvados) (12e-14e siècles) » par Annie Renoux. [NdB]
https://www.persee.fr/doc/arcme_0153-9337_1972_num_2_1_1241 :
« Elle est signalée en premier par Arcisse de Caumont qui en fait une motte (Arcisse de Caumont, Statistique Monumentale du Calvados, t. I, Caen, 2e éd., 1898, p. 313. — Cours d'antiquités monumentales, t. V : Moyen âge, Archéologie militaire. Paris, 1841, p. 123.)... » [2]
Voir ci-dessous :
Arcisse de Caumont :
« Château. — Il existe dans un herbage près du château
actuel d'Audrieu, une motte féodale que le propriétaire, M.
le général de Séran, a fait conserver, et sur laquelle plusieurs beaux arbres végètent. Je l'ai citée dans le 5e volume de mon Cours d'antiquités, p. 123. » [3]
« ... Puis P. de Longuemare y fait une brève allusion dans une étude sur le canton de Tilly-sur-Seulles, et mentionne qu'elle a été « fouillée » du côté nord, mais « sans grand résultat » (P. de Longuemare, Etude sur le canton de Tilly-sur-Seulles, Caen, 1907, pp. 56-57). Cette « fouille », dont nous aurons des témoignages, a heureusement épargné l'essentiel. Enfin, plus récemment, J. L'Hermitte consacre à l'ouvrage un court article (J. L'Hermitte, Notice sommaire sur la motte d'Audrieu et l'ancien chemin de Tilly à Creully, Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, tome LVI, 1961-1962, pp. 686-691). Il remarque que son sommet est informe, mais attribue cette anomalie à la chute des arbres, et reprend l'hypothèse d'Arcisse de Caumont, pour qui ces mottes furent construites par les Normands, au 10e ou au 11e siècle. (...)
Ci-dessus, plan de l'enceinte du Vieux Château à Audrieu extrait de ce même document.
J. L'Hermitte a attiré l'attention sur l'aspect particulier de la fortification. Elle est en effet cratériforme. Dès lors il semblerait que l'on soit en présence non d'une motte, mais d'une enceinte. (...)
Par sa situation, Audrieu est donc légèrement en repli par rapport aux grands axes, et plus prédisposé à contrôler des contacts nord-sud. Le relief de plat-pays est peu propice à l'installation d'une fortification. (...)
On observe deux noyaux de peuplement dont les noms traduisent une réalité topographique. Au nord s'étend « le bas d'Audrieu » qui contient un château dit de la Motte, dont certains éléments peuvent dater de la fin du moyen âge. « Le haut d'Audrieu », au sud, renferme un deuxième château, mais plus récent. Entre les deux s'insère le village même d'Audrieu (proche du bas-Audrieu) où l'on trouve quelques maisons et surtout l'église, dont les parties les plus anciennes remontent au 12e siècle, et qui est assez remarquable par son ampleur. (...)
Cette première approche du village et de son réseau de communications invite à envisager un développement de l'habitat au moins en deux temps. L'un correspond au bas d'Audrieu et à Audrieu, installé en bordure d'une voie nord-ouest -sud-est, et tourné, semble-t-il, vers les communes du nord et du nord-est, ainsi que vers Hervieu, un des hameaux qui en dépend. L'autre, le haut d'Audrieu, est groupé autour du chemin de Balleroy à Caen, et à proximité de son croisement avec le chemin de Tilly à Creully. (...)
Ci-dessus, plan montrant l'emplacement de l'enceinte du Vieux Château, extrait du cadastre napoléonien de 1835, tableau d'assemblage, Archives du Calvados, https://archives.calvados.fr/accueil.html
Nous sommes en présence d'une fortification de plaine que l'on a tenu à implanter en dépit de données physiques très défavorables. Elle contrôle deux axes secondaires qui mettent en relation la mer et le Bocage, Caen et l'ouest. (...)
Dans les environs immédiats du village, on remarque la motte de Tilly-sur-Seulles, l'enceinte circulaire de Saint-Vaast-sur-Seulles, et si l'on déborde un peu le cadre de la vicomté de Caen, la motte de Lingèvres. (...)
Les textes révèlent l'existence de trois petits milites de Aldreio. L'un, possesseur d'un tiers de fief tenu de la châtellenie de Tilly, paraît, par son nom même d'Audrieu, avoir une origine locale, et se trouver installé dans la zone ancienne. C'est un membre de cette famille qui donna à l'abbaye de la Trinité de Vendôme la petite portion du patronage de l'église ; donation antérieure à 1075, car, à cette date, une bulle de Grégoire VII mentionne l'église d'Audrieu parmi les possessions de Vendôme. Une charte de Henri II, datée de 1156-1157, confirme d'autre part la donation par Guillaume d'Audrieu du patronage de l'église de Loucelles à l'abbaye Saint-Étienne de Caen.
Deux autres seigneurs semblent avoir une origine plus externe. L'un se nomme Brito, et l'on songe à ces immigrés (Bretons notamment) appelés par les ducs au début du 11e siècle. Il apparaît très peu dans les textes et plus tardivement que les autres. Il se signale par une donation, datée par H. Navel du troisième quart du 12e siècle. Renouf le Breton, fils de Guillaume, lui-même fils d'Yvon, donne des biens à l'abbaye d'Ardennes. Cette généalogie atteste une installation remontant à deux générations, donc au moins au 11e siècle. Les « listes de Philippe Auguste » font état d'un Eudes Brito, dépendant du comte de Chester, et qui possède un demi-fief de chevalier, dont un quart dans la baillie de Bessin. S'agit-il de la même famille ? A partir du milieu du 13e siècle, à Audrieu, les textes, semble-t-il, ne la mentionnent plus. (...)
Peut-on essayer de déterminer le fief sur lequel la fortification s'est implantée, et identifier celui qui l'a construite ? Une étude régressive des textes nous a permis partiellement d'y parvenir, grâce notamment aux documents conservés dans l'actuel château d'Audrieu.
Nous avions comme fil conducteur un nom, celui de Vieux-Château, et comme hypothèse de départ, que le château actuel, construit au 18e siècle, pouvait avoir eu comme lointain ancêtre la fortification voisine et que, par conséquent, le fief était probablement le même. Mais il est très rapidement apparu que la famille en possession de cette demeure avait acquis progressivement tous les fiefs de la paroisse, à deux ou trois exceptions près, dont le fief de la Motte Costart et le fief relevant de Tilly. Cependant, au début du 17e siècle, elle n'en possède encore que trois, dont le fief de la Motte Creullet, parfois appelé fief de la Motte le Châtel. (...)
Ci-dessus, une photo aérienne montrant au centre l'emplacement de l'enceinte du Vieux Château et à droite le château d'Audrieu datant du 18e siècle, photo extraite du site Géoportail.
Ce fief, qui permet au seigneur d'Audrieu de s'intituler châtelain, n'est-il pas celui sur lequel on a construit le Vieux Château ? Deux textes de 1612 et de 1615 mentionnent l'existence d'un château dont les coordonnées correspondent à celles du Vieux Château. D'autre part, nous savions que ce château ne pouvait être au 17e siècle la résidence du seigneur, car celui-ci n'habitait alors qu'un manoir. Mais ces textes omettaient de préciser duquel des trois fiefs ce « château » relevait. L'identification avec le fief de la Motte était probable, mais il nous en manquait la preuve. Cette dernière nous fut apportée par un aveu au roi extrait du Registre des Assises d'Evrecy de l'année 1607 où Guillaume de Séran, châtelain d'Audrieu avoue que : « en ladite châtellenie de la Motte il y a place de manoir et château, dont les maisons et les forteresses sont ruinées à présent, et apparaissent encore les forteresses qui étaient auprès du pont et entrée dudit château, et les fossés, masses de terres et murailles dudit château ». Ce texte, en révélant la présence de structures en pierres encore visibles au 17e siècle, livre d'inappréciables et rares renseignements archéologiques. D'autre part, le château dont il est question ne peut être que celui dont font mention les textes de 1612 et 1615 : c'est donc le Vieux Château, et il est situé sur le fief de la Motte.
Ci-dessus, plan montrant à droite le manoir de la Motte, au centre l'église Notre-Dame d'Audrieu et à gauche, l'emplacement de l'enceinte, plan extrait du cadastre napoléonien de 1835, Archives du Calvados, https://archives.calvados.fr/accueil.html
Ce 1/4 de fief de la Motte, en 1602, est détenu par J. Le Héricy. Les aveux conservés dans les archives de la Chambre des Comptes de Paris permettent de remonter jusqu'en 1404. En 1499, Guillaume Le Héricy avoue tenir par foi et par hommage 1/8 de fief nommé le fief de la Motte, dont le chef est assis en la paroisse d'Audrieu, et qui s'étend en la paroisse de Brouay et Cristot, auquel fief, dit-il, « j'ai manoir et place de motte ancienne et fossé alentour d'icelle motte, à laquelle motte et fossés mes hommes sont subjets de réparer... la moitié d'un moulin à eau appelé le moulin Taillebosq » (...)
En fait donc, le Vieux Château semble avoir été inclus dans une unité féodale relativement vaste, qu'il est difficile de préciser. (...)
Cette étude historique fournit donc des données intéressantes. Elle montre que le Vieux-Château pourrait être la résidence, ou tout au moins l'œuvre, d'une petite féodalité qui semble s'être développée dans une zone légèrement périphérique, où elle s'est constitué un domaine. (...)
Vue de certains points de l'herbage où elle se trouve, elle ressemble à une motte. Un fossé à peu près circulaire ceinture un monticule de terre (diamètre nord-sud à la base : 43 m), dont la plate-forme supérieure, elle, affecte un contour légèrement quadrangulaire : la longueur, du nord au sud, est de 32 m, et la largeur d'environ 24 m. L'ensemble est bien conservé et offre un aspect encore puissant. Du fond du fossé au sommet du rempart, la dénivellation varie entre 4 et 5 m. Au nord et au sud de l'ouvrage, partant de la contrescarpe du fossé pour se diriger vers l'est, en un mouvement symétrique, se développent deux buttes longitudinales aux formes très arrondies et affaissées. Elles sont interrompues transversalement par l'actuelle rue du village. Au-delà de la route, elles ne sont plus visibles.
Ci-dessus, vue de l'enceinte depuis le Nord, photo extraite du site Google Map.
Malgré les altérations, il semble que ce soient les vestiges d'une basse-cour, dont le talus aurait peu à peu glissé de façon à combler le fossé. La fortification présente certaines caractéristiques externes de la motte ; les mottes environnantes, celles de Tilly-sur-Seulles et de Lingèvres, ont des dimensions comparables. (...)
Ci-dessus, coupe Est-Ouest de l'enceinte extraite de ce même document.
L'intérieur se présente ici comme une plate-forme entourée d'un talus de terre. Cette plate-forme est surélevée par rapport au sol naturel. En effet, entre le niveau de l'herbage environnant et le niveau inférieur de la fortification, on remarque une dénivellation d'un mètre à l'ouest, et de trois mètres à l'est ; la différence entre ces deux hauteurs s'explique par le fait que l'altitude décroît vers l'est ; on passe de 91 m à 88 m. D'autre part, le niveau de la plate-forme intérieure remonte du sud vers le nord où apparaît une terrasse à peine marquée, sur laquelle affleurent quelques pierres. S'agit-il de l'emplacement d'un ancien bâtiment ? Ou, plus simplement, des déblais provenant de la « fouille » effectuée au début de ce siècle, dans la partie nord de la fortification ? (...)
Un talus de terre haut de 1,5 m à 2 m ceinture l'intérieur de l'ouvrage. Il est régulier, mais dissymétrique. A l'ouest, il comporte un épaississement de forme ovoïde, faisant saillie en largeur et en hauteur par rapport au reste du rempart. (...)
Ainsi une minutieuse observation externe du Vieux-Château indique qu'il ne s'agit pas d'une motte, mais d'une enceinte. La distinction que nous faisons aujourd'hui dans la typologie et dans le vocabulaire entre ces deux catégories de construction échappait aux hommes du 15e siècle et même à beaucoup d'érudits plus récents. (...)
De la protohistoire au moyen âge, les enceintes offrent des formes et des dimensions extrêmement variables, et ont eu des fonctions diverses. (...)
Le Vieux-Château se situerait un peu en marge des enceintes fouillées jusqu'à présent en Normandie par le Centre de Recherches Archéologiques Médiévales de Caen, ou à son initiative : Urville, Bretteville-sur-Laize, Saint-Gatien et Buchy. Par rapport au relief, tout d'abord, ces ouvrages occupent des sites mieux défendus naturellement, et dont la valeur stratégique est plus évidente (Buchy par exemple). Différence aussi de situation par rapport à l'habitat. M. de Bouard a remarqué que ces petites enceintes sont éloignées du village et de l'église, dont l'origine est parfois très ancienne, et ne sont donc pas en relation avec l'agglomération. (...)
Pour ce qui est de la forme, la puissance du rempart autoriserait un rapprochement avec le Grand-Besle de Buchy, mais la surélévation intérieure, et la présence d'une basse-cour l'en distingueraient notablement. Les enceintes d'Urville et de Bretteville offrent des remparts de terre moins élevés (au maximum, 3 m à partir du fond du fossé). (...)
... On peut ébaucher un schéma des différentes étapes de la construction. Après avoir construit, avec la terre extraite du fossé, une première enceinte circulaire, dotée d'un rempart complet, et dont le sol intérieur n'est pas surélevé on a, dans un deuxième temps, repris ce plan général, mais en y apportant des modifications. Le talus a été creusé d'une brèche à l'est, et la terre ainsi enlevée fut reportée vers l'intérieur. Ailleurs, les constructeurs ont approfondi le fossé, et les matériaux recueillis ont contribué à l'exhaussement intérieur, et aussi à renforcer, à l'ouest, le rempart. (...)
Dès la première phase de son histoire, qui a été définie ci-dessus, l'enceinte d'Audrieu fut certainement tenue pour une fortification. Les Consuetudines et Justicie, promulguées en 1091, rappellent qu'au temps de Guillaume le Conquérant, il n'était pas permis de creuser pour se protéger, un fossé tel que du fond l'on ne pût rejeter la terre à l'extérieur sans un relais : tel était le critère de discrimination entre la douve dont on pouvait librement entourer une habitation quelconque, et le fossé militaire qui ne pouvait, en principe, être creusé sans l'autorisation du pouvoir ducal. Or, le plus ancien fossé d'Audrieu appartenait sans aucun doute, vu sa profondeur, à la seconde catégorie. (...)
Au sud-ouest de l'enceinte furent mis au jour en partie les vestiges d'une grande construction. (...)
Ses proportions sont assez inhabituelles : 14 m de long et 7,5 m de large environ (dimensions intérieures). (...)
Les quelques segments de murs relativement bien conservés sont construits en moellons calcaires bruts, liés par une argile ocre foncé très pure et très compacte. (...)
En résumé, la fouille de la construction, en révélant la présence, à la hauteur de la première assise du muret, d'un sol durci, nettement individualisé, ainsi que d'un foyer, fournit des indices d'une occupation durable et incite à y voir un bâtiment résidentiel. (...)
Cette maison, par la suite, a été abandonnée et détruite. Puis divers indices révèlent une certaine remise en état des lieux. (...)
On note donc, après la destruction de la maison, un regain très net d'intérêt pour le site, qui se manifeste par trois indices : récupération des pierres des murets, nivellement à l'intérieur de la maison et soutènement du rempart. (...)
A Audrieu, nous avons dit qu'il n'y a pas, dans l'entrée, trace d'une structure de bois. La tour d'entrée en pierre dont on voit l'emplacement était nettement moins robuste que celle de Pontesbury. Il est probable que le passage d'entrée la traversait, car on n'a trouvé à côté d'elle aucun vestige d'un tel passage ; il était précédé d'un pont encore visible au 17e siècle. Enfin, l'épaisseur des murs de cette tour donne à penser qu'elle devait comporter un étage ; ainsi l'enceinte put-elle être habitée même après qu'eut été détruite la maison qui se trouvait dans l'intérieur.
On sait que ce type de tour rectangulaire traversée par une entrée date des 11e et 12e siècles. En Normandie, on le voyait au Plessis-Grimoult, à La Pommeraye, à Caen, pour citer seulement les châteaux où il en reste des vestiges. Vers la lin du 12e siècle, apparut un type nouveau : le passage d'entrée enserré entre deux tours ; l'enceinte de Saint-Vaast, près d'Audrieu, en fournit sans doute un exemple. (...) La tour d'entrée de l'enceinte d'Audrieu existait encore au début du 17e siècle. En 1607, « les maisons et forteresses sont ruinées à présent », mais « apparaissent encore les forteresses qui étaient auprès du pont et entrée dudit château ». La destruction, avec récupération totale et systématique des pierres, est donc postérieure, mais sans doute d'assez peu. (...)
Dans la couche d'occupation de l'empierrement de cour fut trouvé un denier parisis de Philippe Auguste (1180-1223) (133). A la hauteur de la recharge en pierres qui commence le deuxième niveau, en avant du seuil de la tour, est apparu un denier tournois de Louis VIII (1223-1226) ou Louis IX (1226-1270). La présence de ces deux monnaies renforce l'impression d'une occupation continue à la fin du 12e siècle et au moins au début du 13e. (...)
L'enceinte d'Audrieu apparaît, au moins dans sa deuxième période, et probablement aussi dès la première, comme une résidence seigneuriale fortifiée, au même titre que la motte. (...)
Sa vocation militaire est nettement démontrée par la puissance du rempart et l'importance de l'appareil défensif, qui viennent compenser la faiblesse naturelle du site. Les vestiges d'occupation : sol, foyer et bâtiment, confirment son caractère résidentiel. Cet ouvrage fut sans doute le centre d'exploitation d'un domaine, dont la microtoponymie et les textes montrent la réserve, au sud-est de la paroisse, dans une zone plus longtemps délaissée. (...)
Installée sur un site médiocrement propice à la fortification, dans une zone où le contrôle ducal aurait dû s'exercer efficacement, l'enceinte d'Audrieu atteste, de la part de son constructeur, une certaine témérité. Fut-elle élevée avec l'accord de la puissance publique, ou s'agit-il d'un ouvrage illicite ?
Ci-dessus, une photo aérienne ancienne montrant les emplacement du Vieux Château à gauche et du château du 18e siècle à droite, extraite du site Géoportail.
La deuxième moitié du 12e siècle est dominée par la forte personnalité du roi Henri II Plantagenêt (1154-1189). Les années précédant son avènement ont été marquées par de nombreux affrontements, qui mirent aux prises les candidats à la succession d'Henri Ier. Durant cette période, le Bessin a été fréquemment ravagé, et la désorganisation suffisamment grande pour permettre la construction d'une fortification. Henri II, après ces désordres, réorganise sur des bases autoritaires le royaume. La révolte de ses fils en 1173 est le point de départ d'une certaine décentralisation, mais elle est suivie de la reprise en mains de tous les châteaux des vassaux. La fin du règne et les années qui suivront, jusqu'à la conquête française de 1204, offrent à nouveau un contexte favorable. En effet, des troubles importants éclatèrent, à la faveur desquels les seigneurs d'Audrieu auraient pu renforcer leur ouvrage.
En 1188-1189, Richard Cœur de Lion, soutenu par Philippe Auguste, se révolte contre son père. Plus tard Jean sans Terre intrigue pendant les longues absences de son frère Richard. Ensuite Philippe Auguste multiplie les pressions et les attaques contre Jean sans Terre. Enfin, ce dernier, par ses abus fiscaux, a fait naître parmi les seigneurs une certaine irritation ; et ceux-ci n'hésitent pas parfois à rejoindre le camp français. On sait, par exemple, que le puissant comte de Chester, dont un des seigneurs d'Audrieu pourrait relever, a été soupçonné pendant un temps de trahison envers le roi. Les diverses opérations militaires ne se déroulent pas dans la plaine de Caen, mais les occupants de l'enceinte ont pu profiter des désordres, qui devaient accaparer toute l'attention du roi, pour renforcer le Vieux-Château.
Même après l'annexion française de 1204, à laquelle succéda pourtant une période de paix, la fortification n'est pas abandonnée. Et elle est le siège, pendant au moins une partie du 13e siècle, jusqu'à la destruction de la maison, d'une occupation semble-t-il assez suivie. (...)
Peu à peu, l'ouvrage est abandonné. La destruction de la tour pourrait remonter au milieu du 14e siècle, lorsque les Navarrais et les Anglais ravagent le Bessin. Cette enceinte pourrait donc avoir eu une existence relativement brève. Après 1204, la paix rarement troublée instaurée par le roi de France, lui ôte pratiquement toute utilité. » [2]
A proximité :
O « Le château d'Audrieu, bâti au 18e siècle est composé d'un corps de logis terminé par deux pavillons saillants avec un avant-corps central surmonté d'un fronton triangulaire. » [4]
« À l’origine, la seigneurie d’Audrieu appartenait à la famille de Percy. L’un des leurs, Guillaume de Percy, a participé, aux côtés de Guillaume le Conquérant, à la bataille d’Hastings. Selon la légende, le sieur de Percy était le cuisinier personnel de Guillaume le Conquérant. À Hastings, dit-on, il assomma quelques Saxons à coup d’écumoire et cela lui valut d’être anobli, de devenir le premier seigneur de ces lieux et de donner souche aux ducs de Northumberland. Ses descendants ont fondé l’abbaye de Juaye-Mondaye (à visiter à proximité) et construit le château. En 1593, Audrieu passa à la famille de Séran, suite au mariage de Marguerite de Percy avec Guillaume de Séran. Celui-ci, gentilhomme de la chambre du roi, vit sa terre érigée en baronnie en 1615. Mis en vente à la Révolution, le château retourna à la famille de Séran à la Restauration. Il devint la propriété de la famille Livry-Level, suite au mariage de Nicole Saillard de Boisberthe, descendante de la famille de Séran, avec Philippe Livry-Level (1898-1960), résistant, aviateur de la France libre, ancien maire d’Audrieu et ancien député du Calvados. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande y établit son quartier général. Le 8 juin 1944, dans les clairières, les forêts et les vergers avoisinant le château, 24 membres de la 3e division d’infanterie canadienne et deux soldats britanniques ont été tués.Le château est classé monument historique depuis le 27 décembre 1967. Il est devenu un hôtel 4 étoiles et membre du prestigieux réseau Relais & Châteaux, depuis 1977. Début 2015, la propriété a été acquise par le groupe Caravelle, qui y a entrepris un vaste projet de rénovation. (...) Le château d’Audrieu trône dans un parc de 20 hectares et 5 hectares de jardins réalisés en 1985 par le paysagiste Louis Benech. Ils comprennent un jardin à la française, un jardin anglais, le « jardin blanc », le « jardin rose » et un jardin potager. » [5]
O « L'église Notre-Dame d'Audrieu des 12e et 13e siècles remaniée au 19e siècle. Fondée par l'abbaye de la Trinité de Vendôme qui possédait à proximité un prieuré-cure, l'église dépendait en outre du baron d'Audrieu (peut-être par rétrocession du prieuré de Saint-Nicolas-de-la-Chesnaye à qui ce droit appartenait au 14e siècle). » [4]
A gauche, un dessin extrait de la Statistique monumentale du Calvados d'Arcisse de Caumont.
O « Le château de la Motte est plus ancien avec sa chapelle Saint-Louis datant du 13e siècle. » [4]
Ci-dessus, à droite une photo aérienne du manoir de la Motte extraite du site Géoportail.
« Le château de La Motte, dont on voit les bâtiments à quelque distance, au nord, de l'église, est ancien : près de l'une des portes d'entrée se trouve une chapelle dédiée à Saint-Louis, et qui peut remonter à la fin du 13e siècle ou au 14e. Des dents de scie décorent la corniche ; la porte, en arc surbaissé, qui l'avoisine et par laquelle on entre dans la cour de ce côté, doit être du même temps. La chapelle Saint-Louis de La Motte était autrefois desservie par des chapelains. (...)
Ce manoir occupe l'un des angles de la cour ; les rampans
des gables sont garnis de très-belles feuilles frisées qui paraissent du 15e siècle, ainsi que diverses sculptures des
portes et des fenêtres. Je compte le faire dessiner. » [3]
Ci-dessus, plan montrant le manoir de la Motte extrait du cadastre napoléonien de 1835, Archives du Calvados, https://archives.calvados.fr/accueil.html
Sources :
[1] Extrait de l'Annuaire des cinq départements de la Normandie publié par l'Association normande ; date d'édition : 1907.
[2] Extrait de L'enceinte fortifiée d'Audrieu (Calvados) (12e-14e siècles) par Annie Renoux ; Année 1972 2 pp. 5-87 Archéologie médiévale https://www.persee.fr/doc/arcme_0153-9337_1972_num_2_1_1241
[3] Extrait de la Statistique monumentale du Calvados. Tome 1 / par M. Arcisse de Caumont, (1801-1873) ; Éditeurs : Derache(Paris)/Dumoulin (Caen)/A. Hardel () ; Date d'édition : 1846-1867.
[4] Extrait de Wikipédia
[5] Extrait de https://chateaudaudrieu.com/fr/history-and-concept.html
Bonnes pages :
O L'enceinte fortifiée d'Audrieu (Calvados) (12e-14e siècles) par Annie Renoux ; Année 1972 2 pp. 5-87 Archéologie médiévale https://www.persee.fr/doc/arcme_0153-9337_1972_num_2_1_1241
O Site officiel du château d'Audrieu : https://chateaudaudrieu.com/fr/ https://chateaudaudrieu.com/download/89760