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LES REMPARTS DE MONTISAMBERT (Orne)
Ci-dessus la motte de Montisambert, à Buré (photographie de Michel Ganivet, extraite du livre Le pouvoir dans le Perche au temps des Rotrou, figure 17). https://www.amisduperche.fr/flash-informations/samedi-10-aout-remalard-conference-le-systeme-feodal-au-haut-moyen-age/
Sur la commune de Buré s'élève la motte du château de Montisambert ou Mont Isambert, détruit par le comte de Salisbury en 1428. [NdB]
« Les principales forteresses de Mortagne étaient Longpont et Montisambert, dont on voit encore des traces de ces châteaux bien pourvus d'hommes et de munitions... » [8]
« Montisambert, ancienne résidence des comtes du Perche, est une petite éminence entre Mortagne et Le Mesle-sur-Sarthe, à 4 kilomètres de cette ville, sur la route nationale de Paris à Brest. » [1]
Plan de situation de la motte de Montisambert ; blason du Perche par BrunoCette image a été réalisée pour le Projet Blasons du Wikipédia francophone. — Travail personneliLe code de ce fichier SVG est valide.Cette image vectorielle a été créée avec Inkscape par Bruno., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1425366
« L'histoire médiévale a fortement marqué la région. La centenie de Corbon, qui apparaît dès le 9e siècle, va constituer le noyau du comté du Perche. C'est à cette époque que les Normands, ou leurs vassaux, cherchent à remonter les cours d'eau et pour se protéger les habitants du Perche vont ériger mottes et châteaux forts. Ces mottes ont été très nombreuses puisqu'il existe une trentaine de toponymes dans la région de Mortagne. Bien qu'elles paraissent à première vue dispersées et isolées, elles constituent en réalité un ensemble défensif dense, le long de la frontière avec la Normandie, matérialisée par le cours de la Sarthe depuis sa source jusqu'à Barville. Il y avait la motte du Jarrier à Champeaux-sur-Sarthe, celle de Longpont à La Mesnière, celle de Poix, de la Motte à Bazoches-sur-Huisne, les mottes de Buré et de Montisambert, celles de Saint Quentin-de-Blavou. Souvent les mottes ont été installées sur les buttes-témoins crétacées, dominant la plaine jurassique. Ce système défensif était complété par de nombreuses places fortes : celle du Mêle-sur-Sarthe, côté normand et qui dépendait des Montgommery, celle de Mortagne, pièce maîtresse du comté du Perche avec Nogent-le-Rotrou, mais aussi celles de Vauvineux à Pervenchères, de Mauves-sur-Huine, de la Vove qui défendait la vallée de l'Huisne, de Boissy-Maugis qui commandait la vallée de la Commeauche. Des souterrains militaires datant de cette période ont pu être reconnus à la Vove et à Boissy-Maugis.
À la fin du 12e siècle le comte du Perche, comme l'évêque de Sées, se rallient à Philippe Auguste. Peu après, en 1204, la Normandie est rattachée à la France, suivie bientôt par le comté du Perche en 1227. » [2]
Ci-dessus, plan extrait de "Un lot de céramiques du 13e s. à Buré "La Harache" (Orne) Vincent Carpentier, Vincent Hincker, Emmanuel Ghesquière ; Revue Archéologique de l'Ouest Année 2001 18 pp. 187-200 https://www.persee.fr/doc/rao_0767-709x_2001_num_18_1_1163
Ci-dessus deux photos aériennes extraites du site Géoportail (à gauche : année 1950-1965 ; à droite : aujourd'hui).
Un personnage à la vie mouvementée : le comte Rotrou III :
« Rotrou est un personnage important de son époque et qui a compté en particulier dans l'entourage d'Henri I Beauclerc duc de Normandie et roi d'Angleterre. Alors que son père est encore vivant, Rotrou se rend en Espagne pour aider son oncle Ebles II comte de Roucy, qui lutte contre les Maures en Navarre.
Ci-dessus, plan extrait du cadastre napoléonien de 1809 ; Archives de l'Orne, http://archives.orne.fr/
Rotrou III participe ensuite à la première Croisade (1098-1099), il y commande les seigneurs de la région du Perche qui font partie du contingent de Robert Courteheuse duc de Normandie. Rotrou s'illustre lors du siège d'Antioche et il est un acteur de la prise de Jérusalem.
Il revient de croisade peu après la mort de son père Geoffroy. Au début du conflit entre Henri I Beauclerc roi d'Angleterre et son frère Robert CourteHeuse duc de Normandie, Rotrou est du parti de ce dernier alors que son ennemi Robert II de Bellême tient pour Henri. Robert est vainqueur de Rotrou à Chailloué ce qui oblige Rotrou à se rallier au roi Henri I. Il épouse même Mathilde la fille naturelle de ce dernier.
Pour autant la lutte continue entre Rotrou et Robert II de Bellême et des batailles ont lieu à Longpont et Mont Isambert près du Mesle sur Sarthe. Le pays entre Mortagne et Bellême est ravagé. L'évêque de Seez finit par excommunier Rotrou et Robert, Rotrou se soumet rapidement.
Au sud Rotrou fait construire le château de la Motte Rotrou près de Pontgouin ce qui provoque un conflit avec Guillaume Gouet comte du Perche-Gouet, Yves de Courville et le Vicomte de Chartres. Tous trois attaquent alors Rotrou qui les vainc et fait prisonnier Yves de Courville.
En 1111 c'est la guerre entre Henri I Beauclerc et le roi de France Louis VI le Gros. Foulques comte d'Anjou et Robert II de Bellême sont du côté du roi de France.
Thibault de Blois, Rotrou et Guillaume Gouet sont du coté du roi d'Angleterre. Rapidement Rotrou est fait prisonnier par Foulques d'Anjou qui le retrocède à Robert de Bellême et le comte du Perche se retrouve enfermé dans un cachot, d'abord à Bellême puis avec l'accord du comte du Maine dans une tour du chateau du Mans.
Robert de Bellême en profite pour prendre, piller et incendier Mortagne. Rotrou demande alors à l'évêque Hildebert du Mans d'interceder en sa faveur, celui-ci se rend à Nogent où il est fait prisonnier par la famille du comte du Perche dans le but de servir de monnaie d'échange.
Au même moment le roi Louis VI envoie Robert de Bellême comme ambassadeur à Henri I Beauclerc pour lui faire des propositions de paix, Henri emprisonne Robert. Robert ne réapparut plus jamais.
Foulques d'Anjou fait alors la paix avec Rotrou III qui est libéré. A son retour à Nogent l'évêque Hildebert est libéré à son tour. En 1112 Rotrou part à nouveau en Espagne pour aider son cousin Alphonse roi de Navarre à rétablir son autorité sur la Navarre et l'Aragon.
Pendant qu'il est en Espagne Guillaume III Gouet envahit le Perche et se prépare à attaquer Nogent, le retour de Rotrou fait échouer la tentative. Ensuite Rotrou aide Henri I Beauclerc à prendre Bellême, la ville est enlevée et incendiée en mai 1113. En 1115 Rotrou fait la paix avec Guillaume Gouet.
Rotrou repart en Espagne de 1115 à 1118, il prend Tudela (dont il est fait seigneur) ainsi que Pampelune, Tolède, Saragosse, il participe ainsi à la reconquête de parties de la Navarre et de l'Aragon sur les Arabes.
La nièce de Rotrou, Marguerite de Laigle, épouse Garcia Ramirez V roi de Navarre, ce sont les bisaieuls de Blanche de Castille et de Blanche de Champagne qui héritera d'une partie du Perche en 1226.
Henri I Beauclerc, qui avait confisqué les biens de Robert II de Bellême, attribue la ville de Bellême à Rotrou en 1125, à partir de ce moment la seigneurie de Bellême est intégrée au comté du Perche.
Son épouse Mathilde est morte lors du naufrage de la Blanche Nef. Rotrou III épouse en seconde noces Harvise fille du comte de Salisbury, ils ont eu trois fils : Rotrou qui suit, Etienne qui devient Chancelier de Sicile et archevêque de Palerme et Geoffroy.
Henri I Beauclerc meurt le 1er décembre 1135 en désignant sa fille Mathilde comme héritière (c'est la femme de l'Empereur d'Allemagne puis de Geoffroy Plantagenet comte d'Anjou) mais c'est Etienne de Blois qui devient roi d'Angleterre.
Rotrou prend le parti d'Etienne qui lui promet les territoires de Moulins et Bonmoulins. Dans le contexte des luttes entre les partisans de Mathilde et d'Etienne, en 1141, Rotrou organise à Mortagne une assemblée des grands seigneurs de Normandie. Celle ci propose d'abord le duché de Normandie au comte de Blois et Champagne Thibault IV qui décline la proposition et c'est finalement Geoffroy Plantagenet qui devient duc de Normandie.
Rotrou assiste Geoffroy Plantagenet dans la conquête de la Normandie et c'est en janvier 1144 pendant le siège de Rouen que Rotrou meurt blessé par une flèche. Son corps est ramené dans l'église Saint-Denis de Nogent. Pendant sa vie il a fait de nombreux dons aux Monastères, en particulier à l'Abbaye de Thiron. » [3]
Le site de Montisambert - Ci-dessus : à gauche un extrait de la carte de Cassini, 18e siècle ; à droite : un extrait de la carte d'Etat Major ; documents extraits du site Géoportail.
« ...Guillaume Ier de Puisaye faisait partie de l'arrière-ban de Philippe-Auguste... Le comte du Perche, Geoffroy IV, cousin et allié du roi de France avait grande confiance en Puisaye ; il l'avait chargé de la garde de la forteresse de Montisambert à une lieue de la Mesnière... Guillaume de Puisaye montait bonne garde, jamais la forteresse... ne tomba aux mains des ennemis... - 1214 - réf : dictionnaire de la Noblesse » [4]
« En 1428, le même comte de Salisbury, en allant faire le siège d'Orléans, fit raser les fortifications de Saint-Paul-le-Vicomte, de Mamers, de Montisambert, de la Perrière, de Rémalard, de la Tour-du-Sablon, de Villeray, de Husson, de Garences, de la Tour-d'Eure qu'on dit être aujourd'hui la tour de Bouillon et démolit le Teil. Il reprend Nogent-le-Rotrou et Châteauneuf-en-Thimerais. » [5]
Ci-dessus, une photo aérienne extrait du site Google Earth.
« Il ne reste de celui de Mont-Isambert, commune de Buré, canton de Bazoches, sur le bord de la grande route d'Alençon à Mortagne, qu'un talus fort élevé et étagé à trois gradins, avec des fossés qui ne pouvaient guères garder l'eau, mais qui contribuaient à la défense de la forteresse. » [6]
Photo extraite d'un site néerlandais très complet et fort bien documenté sur les mottes en Europe dont celles de Normandie : http://www.basaarts.nl/vraagbaak.php
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« ...Une seconde fortification de terre, au lieu-dit "La Harache" ou "Montisambert", est également connue sur le territoire de Buré, sous la forme d'un tertre tronconique ceinturé par un fossé, aménagé au sommet d'une butte située à 175 m NGF d'altitude (Siguret, 1960 ; Ganivet et Gaillot, 1977 ; Louise, 1991) (fig. 1). Une basse-cour était encore visible dans les années soixante, mais a subi depuis une destruction partielle, au cours de laquelle une galerie souterraine a été mise au jour dans le flanc ouest de la motte. (...) » [7]
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Il existait également un autre site castral sur la commune de Buré plus au sud, au hameau des Mottes [NdB] :
« Le site castral du lieu-dit "Les Mottes" est constitué de trois mottes avec fossés et remparts, desservies par une basse-cour commune (Siguret, I960 ; Ganivet et Gaillot, 1977 ; Louise, 1991). Ce type d'organisation se rattache à une catégorie à part, au sein des mottes médiévales, dont la définition demeure imprécise. Il pourrait s'agir d'un groupement issu d'une succession chronologique de plusieurs ouvrages fortifiés distincts, ou au contraire d'un unique ensemble fonctionnel synchrone, constitué de dispositifs defensifs accolés (Bur, 1982). A ce titre, divers exemples de mottes groupées, témoignant d'une évolution et de fonctions variées, ont été évoqués lors du colloque de Caen mené en 1980 sur les ouvrages de terre médiévaux (Collectif, 1981). En l'absence de témoins archéologiques, la datation de ce complexe castral est supposée vers la fin du 11e s., avec les premières mentions du lignage de Buré dans l'entourage des Montgommery-Bellême ; Richard de buuris, Hugues et Guillaume de burei sont ainsi dans le cartulaire de Saint-Martin de Sées en 1094 (Louise, 1991). (...)
Ci-dessus, plan extrait de "Un lot de céramiques du 13e s. à Buré "La Harache" (Orne) Vincent Carpentier, Vincent Hincker, Emmanuel Ghesquière ; Revue Archéologique de l'Ouest Année 2001 18 pp. 187-200 https://www.persee.fr/doc/rao_0767-709x_2001_num_18_1_1163
Photos ci-dessus extraites d'un site néerlandais très complet et fort bien documenté sur les mottes en Europe dont celles de Normandie : http://www.basaarts.nl/vraagbaak.php
La présence de ces deux sites fortifiés sur la même commune de Buré traduit bien l'ampleur du phénomène castral dans cette région de la Normandie, dont l'apogée correspond à la campagne de fortifications menée par Robert II de Bellême à l'extrême fin du 11e s. (Louise, 1990, 225), qui vit l'édification d'une série d'ouvrages à vocation militaire sur des points stratégiques élevés, d'où ils assuraient la garde des itinéraires, gués, carrefours, situés aux confins des entités féodales (Louise, 1990, 232). C'est à cette catégorie que se rattachent les fortifications de Buré, vouées à la garde de la voie menant vers Alençon et Mortagne, et du gué situé au confluent de l'Erine et de la Sarthe. » [7]
Ci-dessus : un extrait de la carte d'Etat Major extrait du site Géoportail : on y distingue les trois mottes.
Sources :
[1] Extrait du Bulletin de la Société percheronne d'histoire et d'archéologie par la Société percheronne d'histoire et d'archéologie ; Éditeur : Imprimerie G. Levayer (Bellème) ; Date d'édition : 1907-07-15.
[2] Extrait de http://ficheinfoterre.brgm.fr/Notices/0252N.pdf
[3] Extrait de http://www.francebalade.com/maine/ctperche.htm
Voir aussi : http://maison.omahony.free.fr/ascendants/fiche%20perche%20rotrou.pdf
[4] Extrait de http://archive.is/DWDpQ#selection-17535.1-17537.42
[5] Extrait du Recueil des antiquitez du Perche, comtes et seigneurs de ladicte province... par Léonard Bart Des Boulais (1566-16..) ; Éditeur : Pichard-Hayes (Mortagne) : Date d'édition : 1890.
[6] Extrait des Mémoires historiques sur la ville d'Alençon et sur ses seigneurs ; précédés d'une dissertation sur les peuples qui ont habité anciennement le duché d'Alençon et le comté du Perche, et sur l'état ancien de ces pays (2e édition publiée d'après les corrections et les additions manuscrites de l'auteur) par Odolant Desnos, Pierre Joseph (1722-1801) ; Éditeur : Poulet-Malassis et de Broise (Alençon) ; Date d'édition : 1858.
[7] Extrait de Un lot de céramiques du 13e s. à Buré "La Harache" (Orne) Vincent Carpentier, Vincent Hincker, Emmanuel Ghesquière ; Revue Archéologique de l'Ouest Année 2001 18 pp. 187-200 https://www.persee.fr/docAsPDF/rao_0767-709x_2001_num_18_1_1163.pdf
[8] Extrait de l' Annuaire des cinq départements de la Normandie publié par l'Association normande ; Éditeur : Association normande (Caen) : Date d'édition : 1844.
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